Politique, la littérature française contemporaine ? Telle est la question que pose cet ouvrage, en étudiant le traitement littéraire de l'espace chez quatre auteurs : Jean Echenoz, Maylis De Kerangal, Philippe Vasset et Marie Redonnet.
Cet ouvrage fait un pari singulier : analyser la dimension politique des oeuvres littéraires à partir de leur configuration spatiale et d'un outil transdisciplinaire, la ligne. La métaphore de la ligne permet d'aborder des questions comme la narration (le fil de l'intrigue, la communication des informations, la tradition et l'histoire), l'identité (pont, déplacement et frontières), la représentation (notamment cartographique, mais aussi la ligne graphique de l'écriture).
Les oeuvres de quatre auteurs - Jean Echenoz, Maylis de Kerangal, Philippe Vasset, Marie Redonnet - constituent le terrain de cette démarche. Conçus comme autant de laboratoires de pensée éclairés à l'aune de plusieurs disciplines (l'anthropologie, la géographie, la linguistique, la philosophie, etc.), les textes ici étudiés définissent plusieurs modalités pour penser les connexions entre politique et littérature.
Parfois achevés à son insu, les livres de Pierre Michon peuvent rester longtemps en sursis, tels des tableaux dont l'heure n'est pas venue alors que d'autres, plus récents, sortent de l'atelier. Mais tous - y compris ceux non encore parus - semblent « contemporains » les uns des autres, pans détachés, selon une maturation inégale, du monument invisible de l'oeuvre : déjà-là et à venir ; remise en chantier permanente, dans le doute et la joie, de questions toujours en suspens jusqu'au moment où, selon le mot de Michon, ça marche car le « Roi, dit-il encore, vient quand il veut ». Le labyrinthe où, depuis l'inaugural Vies minuscules (1984), l'écrivain chemine « à l'aveugle » semble ainsi se développer hors du temps, comme sous l'effet d'un secret principe organisateur. S'appuyant sur la longue crise des Onze (2009) dont le dénouement tardif éclaire d'un jour nouveau un parcours singulier, cet essai s'efforce d'interroger la « profonde nécessité non dite » qui opère à tous les niveaux de l'oeuvre de Pierre Michon, du simple motif récurrent à l'architecture d'ensemble.
Comme Proust, comme Kafka, Borges a fait du « devenir auteur » une aventure vitale, que ce soit par la mise en scène d'une fiction autobiographique ou par le déploiement d'une métaphysique de la littérature.
Julio Premat, propose un parcours dans l'oeuvre et dans le mythe de l'écrivain en privilégiant les aspects les moins connus en France.
Trois figures de Borges ou trois avatars, sont analysés tour à tour : le héros fondateur, le fils à l'oeuvre, l'aveugle clairvoyant. Elles permettent de présenter les particularités de ce classique de la modernité et d'introduire les pôles thématiques majeurs de ses textes : l'érudition, la temporalité, le biographique et la lecture.
A l'heure d'Internet comme au XIX° siècle, un vaste public s'est mis à écrire. Comment la littérature, comment les écrivains professionnels, qui jusqu'alors détenaient sinon un monopole, du moins un pouvoir sur la langue écrite ont- ils accueilli ce nouveau partage? Comment ont-ils réagi à cette concurrence inédite ? Y ont-ils vu une ressource ou une menace ?
Ce livre tente de répondre à de telles questions en explorant les textes littéraires eux-mêmes.
Si Gustave Flaubert et Virginie Despentes forment les bornes chronologiques de cet ouvrage, la réflexion s'appuie principalement sur huit auteurs-témoins : Marcel Proust, Colette, Louis Guilloux, Henry Poulaille, Annie Ernaux, François Bon, François Bégaudeau et Ivan Jablonka. On verra, chemin faisant, que la littérature éclaire les débats les plus contemporains sur l'école, l'oral et l'écrit, les fractures culturelles, l'illettrisme et la marginalité.
La pensée d'Édouard Glissant est aujourd'hui d'une intense actualité. L'écrivain philosophe a en effet renouvelé radicalement les conceptions de l'identité et de la race, du métissage et de la créolisation, des continents et des archipels. Son oeuvre est désormais étudiée dans le monde entier. Un colloque international a réuni une vingtaine des plus importants spécialistes et de grands témoins comme Eduardo Manet et René Depestre. Les perspectives se croisent entre ces écrivains et ces chercheurs venus de la Caraïbe, des États-Unis, de Tunisie, d'Irlande, du Japon, du Canada... Ce livre reproduit leurs débats sur la politique, l'imaginaire et plus particulièrement sur les arts et la vie de Glissant.
Flaubert, avec Bouvard et Pécuchet, invente un roman singulier, qui met en oeuvre une archéologie ludique de « toutes les idées modernes ». Cette étude s'interroge sur la genèse de ce qu'il nomme le « comique d'idées ».
« Je crois qu'on n'a pas encore tenté le comique d'idées ». Flaubert résumait ainsi le projet de son dernier roman, Bouvard et Pécuchet. L'originalité du projet consiste dans l'invention d'une fable où les idées se rapprochent, se parlent, se contredisent, comme des personnages, avec et contre les deux protagonistes. L'exemple le plus éclatant d'un tel comique des idées est donné par le chapitre VIII du roman, où s'articulent étroitement trois champs aussi hétérogènes que la gymnastique, le magnétisme animal et la philosophie. Véritable travail d'archéologie épistémologique, Bouvard et Pécuchet forme une synthèse comique de l'histoire culturelle, scientifique et philosophique du XIXe siècle.
"La culture yiddish connaît entre les deux guerres un âge d'or sans précédent, dont l'épicentre se situe en Pologne, à Varsovie mais aussi à Lodz, et dont Moyshe Broderzon constitue une figure emblématique.
Revenu à Lodz en 1919, après avoir passé à Moscou les années de guerre, Moyshe Broderson devient rapidement l'une des personnalités dominantes des cercles littéraires yiddish de la ville. Poète, créateur de la revue d'avant-garde « Yung-yidish » en 1919 avec le peintre Yankl Adler et le sculpteur Marek Shvarts, il souhaite participer à la renaissance artistique yiddish en proposant des oeuvres profondément ancrées dans la tradition juive, mais qui la questionnent et la renouvellent par une forme neuve. En témoignent les poèmes analysés et traduits ici.
Mais c'est surtout par le théâtre que Moyshe Broderzon, de 1920 à 1939, fera oeuvre originale dans l'invention d'une avant-garde artistique. Auteur de pièces, et surtout créateur du café-théâtre Ararat, il expérimente une rencontre entre les différents arts - peinture, musique, poésie, théâtre, danse, chanson populaire - dont le présent volume explore la créativité et montre la résonance au sein des avant-gardes en Europe."
Il s'agit du premier ouvrage complet, publié sur les techniques de composition de Borges.
Daniel Balderston y analyse 170 manuscrits de Borges dispersés dans le monde (accompagné d'une soixantaine d'illustrations) afin de comprendre et reconstruire le processus créatif de l'écrivain .
L'ouvrage est la traduction de « How Borges Wrote » paru en 2018 chez University of Virginia Press.
Ce processus créatif inclut un retour constant aux livres qu'il a lus et annotés. Peu amateur de plans d'écriture, il préfère noircir les pages de ses carnets de possibilités nombreuses, au cours d'un processus qu'il entretenait dans ses brouillons et même après publication. Balderston soutient que l'incertitude et la fragmentation sont des éléments clé du processus créatif de Borges. Ce livre est la première étude génétique complète de Borges, l'un des écrivains les plus influents du vingtième siècle. Le texte complet d'un carnet important, contenant une histoire célèbre et l'essai le plus célèbre de Borges, sont reproduits dans le livre. Spécialiste réputé de Borges et auteur de nombreux livres et articles sur l'écrivain argentin, Daniel Balderston a travaillé à d'autres occasions sur la critique génétique, analysant des écrivains tels que Juan Carlos Onetti, Manuel Puig, Silvina Ocampo et Juan José Saer.
Les auteurs interrogent ici, dans des études comparatistes, le rayonnement des Mille et Une Nuits. Sont abordés ici son influence sur les autres textes, les connexions plus ou moins conscientes établies avec d'autres auteurs, la réception qui a pu en être faite dans différentes cultures.
De Jules Verne en passant par la Russie, du Dictionnaire des mythes féminins au Manuscrit trouvé à Saragosse, ce volume est une invitation à la déambulation, sur les traces laissées par ce texte fondateur de la littérature orientaliste.
Comment se fait-il que l'adjectif en -esque construit sur Ben Laden ou Récamier soit le plus souvent benladesque ou récamiesque au lieu des formes attendues benladenesque et récamiéresque, alors que Aristophane fait aristophanesque ? Pourquoi le terme de descendeur s'applique-t-il aux seuls spécialistes de la descente à ski, et non à toute personne qui descend ? Les études rassemblées ici sont des itinéraires jalonnés de questions de ce genre dans la problématique actuelle de la Morphologie lexicale. Issu d'un travail de réflexion et de discussion collectif, cet ouvrage se fait l'écho des recherches menées internationalement en morphologie. Il ne vise pas à fournir un traitement exhaustif de la morphologie du français ; il offre simplement des aperçus sur ce qu'un tel traitement pourrait être.
Roland Barthes (1915-1980) a occupé une place éminente dans le milieu de la culture, de la sémiologie et de la critique littéraire. De Mythologies en 1954 à son dernier ouvrage sur la photographie, La chambre claire, il est devenu l'éminence grise d'une avant-garde qui, avec le structuralisme, a radicalement transformé les humanités en général et les lettres en particulier. Comment évaluer aujourd'hui la résonance du sémiologue ? Comment définir le type de penseur ou d'intellectuel qu'était Roland Barthes ?
"Représentation littéraire du corps souffrant en Chine et au Japon.
Où le corps est en prise et en proie aux douleurs et souffrances imposées par la rencontre avec l'Occident au début du XXe siècle. Les oeuvres littéraires présentées ici, montrent comment, en Chine et au Japon, la mise en scène du corps participe au grand débat sur le modernité.
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Ce livre présente une synthèse des littératures francophones des pays du Sud, qui ont émergé durant la colonisation et dont la production s'est poursuivie depuis les indépendances. Ces littératures demeurent trop peu visibles en France malgré la renommée d'un Léopold Sédar Senghor ou d'un Aimé Césaire, et sont l'occasion de découvrir des univers culturels fascinants, tant dans leur dimension esthétique que dans leur portée anthropologique. Mais il faut, avant tout, distinguer la Francophonie en soi et les francophonies littéraires au pluriel, dans les anciens espaces coloniaux et dans leurs réalités géographiques et sociales d'aujourd'hui.
Dans le Japon du début du XIe siècle, gouverné depuis la capitale Heian-kyô (l'actuelle ville de Kyôto) par une cour d'aristocrates fonctionnaires, se développe une brillante culture. Si les lettres chinoises sont en principe réservées aux hommes, les femmes pratiquent assidument la poésie en japonais et en viennent à occuper une position dominante dans la prose romanesque, forme littéraire considérée comme un pur divertissement, mais qui donnera à la littérature japonaise son plus grand chef d'oeuvre, le Roman du Genji, rédigé autour de 1008 par une dame du palais Murasaki Shikibu.
Samuel Beckett, prix Nobel de littérature (1969), est né en 1906 dans une Irlande encore britannique, et mort en 1989 à Paris où il a vécu plus de 50 ans. C'est probablement le seul auteur ayant jamais écrit son oeuvre deux fois : en anglais et en français. Ce bilinguisme, loin d'être anecdotique, fait partie d'un projet radical, dont on trouvera ici les traits essentiels. Beckett a profondément ébranlé les assises de tous les genres qu'il a pratiqués : ses pièces sont pour la scène, pour la radio, pour la télévision, certaines sont sans paroles, l'une a pour personnage une Bouche, l'autre un souffle, une autre un air de musique. Ses récits, tous plus ou moins expérimentaux, peuvent être sans ponctuation, sans alinéas, sans personnages caractérisés. Son oeuvre est traduite, jouée et étudiée dans le monde entier. Elle fascine les philosophes, intrigue les psychanalystes. Elle a inspiré de nombreux artistes, peintres ou musiciens.
L'art d'écrire peut-il s'enseigner. L'université française connaît aujourd'hui une mutation importante avec l'introduction de l'écriture créative dans ses programmes. Il existe désormais des masters de création littéraire et des doctorats de recherche en création littéraire. Cet ouvrage retrace l'histoire de cette irrésistible ascension de la création littéraire. Il tente d'expliquer les raisons de l'étrange retard de la France par rapport aux écoles d'art et aux universités étrangères. De quoi ces nouvelles pratiques sont-elles le signe ?
En quoi transforment-elles les études littéraires universitaires, la conception de la recherche et la place même de l'écrivain et de la littérature dans la société ?
Hélène Cixous publie depuis 1967 une oeuvre devenue considérable. Chaque livre publié est un corollaire de ceux qui le précèdent, dans le sens qu'il est un « prolongement », une « suite logique » ou « naturelle ». Hélène Cixous commente ainsi : « Et parfois tous les volumes d'une oeuvre presque complète comme celle de Proust aboutissent à un désir poignant de cathédrale-livre » L'ouvrage propose plusieurs pistes à partir desquels s'orienter dans le vaste paysage textuel d'Hélène Cixous : la puissance de la littérature, l'écriture de l'Histoire, l'impossibilité de l'autobiographie, la capacité de l'écriture à rendre la vie aux êtres disparus et le style « cixousien ».
Cet ouvrage est aussiun état des lieux critique du large écho international qu'a eu l'oeuvre d'Hélène Cixous et qui l'a transformée en un des écrivains et penseurs français le plus traduit et étudié dans le monde.
Ce volume intéressera non seulement les lecteurs et lectrices d'Hélène Cixous en France et dans les pays francophones, mais aussi des personnes souhaitant s'initier dans la lecture d'une oeuvre si riche et singulière dans le panorama de la littérature contemporaine.
Qu'est-ce qu'écrire après la fin ? À travers l'oeuvre de Gustave Flaubert, cet ouvrage s'intéresse aux manières d'être dans le temps et d'écrire le temps au XIXe siècle.
« Emma Bovary, Salammbô, Frédéric Moreau, Bouvard et Pécuchet sont morts. Leurs vies sont déjà faites, et non à faire - derrière eux, plutôt que devant. Les personnages de Flaubert survivent certes dans l'esprit des lecteurs et leur existence romanesque se prolonge dans la mémoire lectrice d'aujourd'hui. Mais morts, ils l'ont toujours été, incapables de s'animer, dépourvus de futur dès leur première apparition sur la page. Flaubert serait, en somme, l'auteur d'une littérature déjà posthume....».
Ce livre a pour point de départ la singulière vieillesse que s'attribue Gustave Flaubert, dès le plus jeune âge, dans sa correspondance. Il propose de relire l'oeuvre du romancier comme une réponse à cette expérience du temps, héritée du romantisme mais exacerbée par la génération d'après la révolution de 1848 au point de devenir une véritable vie posthume. Il offre, du même coup, une réflexion sur l'histoire des formes romanesques au XIXe siècle, en tâchant de comprendre comment le roman flaubertien compose à partir de l'expérience posthume - comment il traduit cette expérience et comment il la produit, pour faire ressentir au lecteur dès la première page que tout est déjà terminé.
Cet ouvrage présente pour la première fois un ensemble d''études consacrées à l'écrivain contemporain Christian Garcin, auteur d'une oeuvre vaste et composite, marquée par l''esthétique du voyage et de l'étrangeté.
Christian Garcin est l'auteur d'une oeuvre très riche et diversifiée où voisinent des genres, des thématiques et des styles différents.
Depuis son entrée dans l'écriture en 1993, il n'a cessé de publier des textes plus ou moins courts, des récits et des nouvelles ; de manipuler les grands genres littéraires, le roman et la poésie ; de s'adonner à des formes qui varient du carnet et du récit de voyage, à l'essai et à la traduction. Il s'agit d'une vaste bibliographie où la fiction et la réflexion, l'autofiction et l'autobiographie se côtoient naturellement. Ce volume, qui constitue la première monographie consacrée à cet auteur, interroge les réseaux thématiques et poétiques qui parcourent une oeuvre marquée par le dépaysement, l'ailleurs et la recherche.
Que désigne le réalisme ou plutôt les réalismes en littérature ? Appliqué à un moment précis de l'histoire littéraire ou à une intention générale de représentation fidèle de la réalité, le réalisme apparaît depuis le dix-neuvième siècle comme une notion aussi intuitive que complexe.
Les articles de ce volume reviennent ainsi sur les différentes théories du réalisme en littérature, du réalisme socialiste à la théorie anglo-saxonne de la littérature-monde, en passant par l'école de Francfort et la sociocritique. Interroger ces différentes approches du réalisme, c'est réaffirmer la justesse de ce concept tout en justifiant une approche résolument matérialiste : il s'avère en effet impossible de conceptualiser de façon opérante le réalisme sans conjointement prendre en compte un monde social à partir duquel la littérature est écrite et pensée.
L'ouvrage se propose de tenter de cerner ses usages non pas dans toutes ses réalisations médiatiques mais dans le domaine littéraire: que désigne le réalisme ou plutôt les réalismes en littérature ?...
Polymorphes, plurielles et apparemment sans limite, les oeuvres de Balzac constituent un défi à l'histoire littéraire comme à l'analyse textuelle. La présente étude entend élaborer une approche génétique face à cette multiplicité fascinante.
Cet ouvrage a pour objectif d'étudier par une approche génétique l'écriture balzacienne à l'oeuvre, dans sa multiplicité : une écriture qui excède toute délimitation préexistante, un ensemble de livres réfractaire aux cadres éditoriaux traditionnels et un travail que la vulgate de la critique génétique peine à bien définir. Sans oublier une longue tradition érudite des études balzaciennes, il s'agit de voir à partir de différents sites comment s'élaborent chez cet écrivain un questionnement inlassable sur la mise en forme romanesque, une articulation originale d'éléments de composition et une gestion dynamique de l'édition de son oeuvre plurielle.
La notion d'espace littéraire, proposée naguère par Maurice Blanchot, est reprise ici dans une perspective comparatiste et épistémologique, pour tenter une lecture géocritique de la production littéraire dans un monde en voie de globalisation. L'espace littéraire peut-il apporter une réponse au cloisonnement des espaces culturels d'une part et à la concurrence des champs littéraires d'autre part ? Le splendide isolement de l'espace littéraire, qui en constitue pour Blanchot l'un des aspects, est également une disponibilité totale à l'incessante rumeur du monde. Cette notion, parce qu'elle dégage la littérature de l'emprise de l'énonciation, ouvre des perspectives nouvelles aux études postcoloniales, si attentives à ce qui cherche à s'écrire à l'écart des discours dominants.
"Une littérature ne se définit pas seulement par rapport à ses propres héritages. Elle se mesure aussi à la différence, proche ou lointaine, de modèles étrangers, parfois dominants. Dans l'Italie de l'entre-deux-guerres, le « retour à l'ordre » s'impose notamment à travers la réception critique des auteurs français contemporains : antagonismes trop faciles, partis pris opposés que vient miner la référence au classicisme, à la fois partagée et rejetée, selon qu'elle est l'expression de nationalismes étroits ou qu'elle se fait dialectique universelle de l'Innocence et de la Mémoire.
Axe majeur, l'amitié de Paulhan et Ungaretti aboutit, avec l'édition française de Vie d'un homme, en 1939, à une expérience limite de l'altérité : l'appropriation de la langue de l'autre, dans une traduction sans original. D'autres voies sont ici explorées : les traductions, minutieusement étudiées, de poètes dans les deux langues ; les débats engagés par les principales revues françaises et italiennes. Se profilent alors le classicisme méditerranéen d'Audisio, l'hermétisme chrétien de Carlo Bo, les figures à maints égards inclassables de Larbaud et de Savinio, les médiations diverses de Fiumi et de Crémieux... Tableau contrasté, asymétrique, d'une époque littéraire trouble et fraternelle."
"La fiction se définit-elle comme une image du réel, ou bien la feinte dont elle procède met-elle en péril la distinction entre la réalité et son image? C'est cette question que les textes fictionnels de Maurice Blanchot - romans ou récits - permettent d'éprouver.
Le part-pris initial de ce livre suppose de prendre la fiction au sérieux - donc de séparer, chez Blanchot, le versant fictionnel et le champ critique et théorique qui trop souvent lui sert de commentaire. Ainsi libérée de toute référence à la question de l'écriture, la fiction peut décliner le mouvement selon lequel elle ne cesse d'apparaître, sans pour autant donner lieu à une pensée de l'être. Ce geste du déclin - des figures ou des voix, du reflet et de la mort - rend à la fiction sa pleine réalité : soit une constante inquiétude sur la pensée du réel.
Ainsi s'ouvrent des voies insoupçonnées, que l'on explore ici - à travers le texte blanchotien - sur tous les textes qui, de Poe à Beckett ou de Bousquet à Melville, ont mis en jeu un principe de fiction irréductible au partage assuré du réel et du feindre."