Chateaubriand, Hugo, Rimbaud, Flaubert, Mallarmé, Zola, Proust, Valéry... Publié pour la première fois en 1936, le chef-d'oeuvre d'Albert Thibaudet revisite un siècle et demi de littérature française à la lumière de la notion de génération.
Loin de tout académisme, le grand critique de La Nouvelle Revue française tisse un réseau de relations d'une oeuvre à l'autre et dialogue avec les auteurs. Il combine cultures littéraire, philosophique et historique aujourd'hui trop souvent séparées. « Personne n'était mieux doué que lui pour l'art de créer des perspectives dans l'énorme forêt des Lettres », disait Paul Valéry.
Ouvrage de référence pour de nombreux étudiants et lettrés, ce guide subtil est aussi une histoire de la France, nation littéraire.
Nous connaissons tous le cyclope de L'Odyssée, mais combien d'entre nous savent que ses traits rappellent ceux de Tepegöz dans Oghuz, une épopée turque?? Ou que Shakespeare a repris l'intrigue de Hamlet dans une chronique de Saxo Grammaticus, historien danois du XXIIe?siècle?? Ou encore que Mélisande, l'héroïne de Maurice Maeterlinck, par sa longue chevelure évoque la Raiponce du conte des frères Grimm?? Ce sont ces filiations, ces entrelacements que mettent en évidence les Lettres européennes.
«?L'Europe n'a pas réussi à penser sa littérature comme une unité historique et je ne cesserai de répéter que c'est là son irréparable échec intellectuel?», écrit, en 2005, le romancier tchèque Milan Kundera. Irréparable?? C'est le défi que cet ouvrage veut relever?: retracer l'histoire de la littérature du continent Europe, de l'Antiquité à nos jours. Période après période, chaque chapitre effectue un tour d'Europe, donnant un aperçu des évolutions littéraires les plus importantes de l'époque, suivi de l'étude d'un genre littéraire caractéristique, puis d'une présentation de quelques-uns des auteurs phares d'alors, dont le rayonnement éclaire encore notre littérature. Cette troisième édition est enrichie d'un chapitre consacré à l'écriture du XXIe?siècle, composé de courts portraits d'écrivains d'aujourd'hui.
Une grande traversée de la littérature européenne, de Homère à Zadie Smith, en passant par Dante, Goethe, Baudelaire, Dostoïevski, Virginia Woolf, Cavafy, Auður Ava Ólafsdóttir et Olga Tokarczuk.
La poésie américaine dite «?moderniste?», malgré l'influence qu'elle exerça sur de nombreux écrivains français, malgré la place acquise par ses auteurs dans le canon mondial, demeure relativement peu connue en France. Qu'est-ce que le «?modernisme?», et comment se manifeste-t-il en littérature?? Comment la poésie qui s'y voit associée se pense-t-elle et s'y réinvente?? Existe-t-il une spécificité américaine au sein d'un modernisme qui comptait parmi ses traits saillants le dédain des frontières et la circulation réticulaire des oeuvres et des idées??
C'est un parcours de lecture, jalonné de nombreuses citations, que nous propose cet ouvrage, en prenant comme point focal la première génération de poètes modernistes américains, nés à la fin du xixe?siècle et actifs, aussi bien aux États-Unis qu'en Europe, jusque dans les années suivant la Deuxième Guerre mondiale.
Tout en s'efforçant de clarifier la généalogie et le devenir des différents mouvements (imagisme, vorticisme, objectivisme), il s'attache aux pas de figures singulières parfois bien identifiées, parfois plus discrètes?: Ezra Pound, Gertrude Stein et T. S.?Eliot bien sûr, mais aussi William Carlos Williams, H.?D., Wallace Stevens ou Marianne Moore.
Une bibliographie en fin de volume permettra au lecteur curieux de repérer les éditions des textes originaux et leurs traductions françaises et de s'orienter dans la critique.
Comment une oeuvre littéraire accède-t-elle au rang de « classique » lorsque son auteur est issu d'Afrique subsaharienne francophone, l'une des zones les plus déshéritées du monde selon les standards culturels internationaux ? Si les noms de Léopold Sédar Senghor et d'Ahmadou Kourouma se sont imposés partout, pourquoi d'autres auteurs, portés au pinacle en Europe, restent-ils peu connus dans leurs pays d'origine, quand les textes d'Aminata Sow Fall et de Seydou Badian, étudiés et discutés au Sénégal et au Mali, ne le sont pas en France ?
Ce livre propose une histoire sociale collective de ces écrivains depuis 1960. Il distingue deux protagonistes majeurs : des intermédiaires culturels (organisateurs de festival, éditeurs, agents littéraires), souvent français, et des auteurs nés et socialisés en Afrique subsaharienne francophone, dont les trajectoires sont situées les unes par rapport aux autres dans un espace littéraire africain en recomposition.
Nourri de nombreux entretiens, fondé sur le dépouillement d'archives inédites et sur une étude statistique, cet ouvrage majeur décrit par quels mécanismes symboliques et matériels des oeuvres d'écrivains originaires d'Afrique subsaharienne francophone sont devenus, sous différentes formes, des classiques africains.
Et si Flaubert, dont on fête en 2021 le bicentenaire, n'était né, en réalité, qu'il y a une cinquantaine d'années?? Entre?1960 et?1980, la France traverse une période d'intense effervescence intellectuelle?: ce que l'on appellera le moment théorique. Les sciences de l'homme sont mises à contribution pour repenser la littérature selon les normes d'une axiologie formelle - le structuralisme - où prévalent les exigences de systématicité et de radicalité.
C'est dans ce contexte que Flaubert acquiert une notoriété de premier plan. En moins d'une décennie, il s'impose comme une référence dominante pour la nouvelle critique, l'Université et les jeunes romanciers qui découvrent sa flamboyante Correspondance à travers une anthologie, centrée sur sa poétique?: Préface à la vie de l'écrivain de Geneviève Bollème, où il apparaît comme un véritable précurseur du roman contemporain et de l'esthétique conceptuelle.
De Roland Barthes à Michel Foucault, de Jean-Paul Sartre à Pierre Bourdieu ou à Jacques Rancière, de Michel Butor, Nathalie Sarraute et Alain Robbe-Grillet à Pierre Bergounioux ou Pierre Michon, de Jean-Pierre Richard à Gérard Genette, c'est toute une génération qui reconnaît en Flaubert la figure souveraine de l'écrivain, au sens absolu du terme, à la fois prophète du minimalisme, théoricien du style et du travail sur la prose, penseur du processus créatif et inventeur du roman moderne. Sans chercher à être exhaustif, cet ouvrage suit l'ordre alphabétique pour explorer, à travers quelques grands acteurs du moment théorique, ce fascinant processus de réception créatrice dont nous continuons tous aujourd'hui à être les héritiers.
Une immersion sans précédent dans l'oeuvre du maître à travers un large choix de citations, accompagnées de notices sur ses romans, personnages, contes, articles et pièces de théâtre. Plus de 1 500 entrées, un index thématique, une chronologie, une somme encyclopédique pour (re)découvrir l'impérissable romancier, Flaubert truculent, persifleur, rancunier, mélancolique, gastronome, mélomane, Flaubert misanthrope et mondain, ascète et jouisseur, grave et insouciant, Flaubert l'ami, l'amant, le voyageur, l'esthète, le provocateur, Flaubert et son incompréhension de la politique, sa préoccupation constante de la transcendance, sa haine de la Bêtise et du Bourgeois. D'« admirer » à « virilité », d'« Académie française » à « Virgile », de « L'Assommoir » à « Voltaire », voici restitué dans sa totalité l'univers de l'écrivain, avec son jusqu'au-boutisme, ses fulgurances, ses coups de gueule et ses coups de coeur.
Pourquoi, à l'époque de l'ordinateur, s'intéresser à l'écriture manuscrite ? Pourquoi redoubler la masse des textes littéraires par celle des notes, plans, brouillons rédactionnels et autres documents de genèse ? Parce que le manuscrit, loin de n'être que support de signifiants graphiques figés, est aussi espace d'inscription, lieu de mémoire, trace d'un processus qu'il est possible de reconstruire. Comprendre comment un projet mental ou un vague désir d'écrire se transforment, moyennant élaborations et accidents, relances et impasses, en texte, voire en oeuvre ; expliquer comment l'analyse des manuscrits de genèse ouvre à une nouvelle dimension de la littérature : voilà le propos de ce livre. Se voulant à la fois état des lieux et réflexion théorique, l'ouvrage s'adresse à deux types de lecteurs. D'une part, aux jeunes chercheurs désireux de s'initier à la critique génétique, d'autre part aux chercheurs confirmés, littéraires ou non, prêts à débattre de l'hypothèse génétique. Plus généralement, et sans nier pour autant l'existence de formes achevées, l'entreprise participe d'un mouvement de pensée qui fait place au possible, au multiple, à l'ambivalent et à l'inachevé.
Ce livre est la réédition d'un ouvrage paru en 1994 et devenu depuis longtemps un des ouvrages de référence dans le domaine de la génétique littéraire.
En bref La langue de bois au filtre de la communication.
Le livre Discours fleuves des dictatures ou prose convenue et contournée des politiques de nos démocraties, la " langue de bois " se retrouve partout et dans des formes et des sens variés. Plus qu'une simple convention sociale permettant d'atténuer une vérité désagréable, entre politesse et hypocrisie, la langue de bois, tel le newspeak d'Orwell (1984), sert parfois à énoncer exactement le contraire de ce qu'elle dit, pour anéantir toute communication.
Dans ce numéro d'Hermès, des spécialistes reconnus étudient l'éventail de ces discours, cherchant à définir la ligne de partage qui fait cette langue " de bois ", ses modalités de production, et la répartition des rôles entre récepteur et locuteur au cours de ce phénomène.
Ce sujet est un enjeu majeur des recherches en sciences de la communication. Car au détour des ces langues de bois apparaissent en effet les ratés du message, les signes de dysfonctionnement des médias. Et l'on s'aperçoit au final que la langue de bois peut, paradoxalement, constituer un des moteurs de la communication, révélateur évident de sa complexité et son originalité.
Sous la direction de Dominique Wolton.
Coordonnateurs : Joanna Nowicki, Michaël Oustinoff, Anne-Marie Chartier.
Arguments - Thématique innovante.
- Cible élargie : Sciences politique, linguistique.
Et si l'une des églises de village que le soldat Bardamu voit brûler au début de Voyage au bout de la nuit était celle de Combray dont le Narrateur d'À la recherche du temps perdu apprend la destruction dans le Temps retrouvé ?
C'est à partir de cette expérience de la pensée qu'Hervé G. Picherit propose une lecture des oeuvres de Marcel Proust et de Louis-Ferdinand Céline comme formant ensemble une immense épopée composite qui raconte mieux que toute autre la catastrophe historique de la Grande Guerre faisant de chacun de nous un « écorché ». Faute de manières d'être encore valides, il faut rénover nos rapports à nous-mêmes et au monde. Proust et Céline, en réponse à cette catastrophe, instaurent un nouvel imaginaire, l'un composant le dernier livre du monde d'« avant », l'autre la première chronique du monde d'« après ».
Puisant ses outils dans la narratologie, la psychanalyse, l'anthropologie et la philosophie, l'auteur de ce livre identifie dans ces deux oeuvres l'expression d'une rupture à travers tous les niveaux de l'existence.
Le poète, écrivain, ethnologue Michel Leiris (1901-1990) a révolutionné l'art de l'autobiographie avec La Règle du jeu. Il fut aussi l'inventeur d'un genre : le récit de mission ethnographique, dont L'Afrique fantômetémoigne magistralement. En homme de son temps, Leiris a participé aux combats politiques du XXe siècle, en particulier anticolonialistes, et côtoyé les avant-gardes intellectuelles et artistiques.
Cet ouvrage constitue une enquête quasiment ethnographique sur cet explorateur rebelle, ses espaces et moments d'écriture, brouillant les frontières entre les disciplines. Aussi est-ce une « philosophie du déménagement » qui nourrit les approches diverses et, en décloisonnant les disciplines, contribue à trouver de nouvelles lignes de force pour comprendre l'oeuvre : entre l'autobiographie et l'étude de la transe, le récit de rêve et le journal de mission, la corrida et l'art d'écrire. Autant de chemins de traverses qui zèbrent les multiples formes de l'écriture et de la pensée de Michel Leiris, grand témoin de son temps.
Littérature et anthropologie ne sont pas des inconnues l'une pour l'autre, elles ont partie liée depuis longtemps avec Montaigne et les Cannibales, Montesquieu et les Persans, ou encore Rousseau et les bons Sauvages. Multipliant les perspectives, attentives aux petits faits ou à l'imaginaire des autres : elles savent se comprendre et dialoguer l'une avec l'autre selon différents registres, qu'ils soient scientifique, épique, onirique ou ludique.
Cet ouvrage joue de cette histoire et de cette proximité complice en croisant les approches : tout en constituant les oeuvres de fiction comme objets d'une enquête ethnologique au même titre que mythes, rites et croyances, il cherche à évaluer l'apport de ces oeuvres à la compréhension du fonctionnement intime d'une société, qui est le projet même de l'anthropologie.
Shakespeare, Goethe, Dumas, Büchner, Melville, Rimbaud, Segalen, Faulkner, Bataille, Leiris... sont enrôlés dans cette investigation, et permettent de repenser des approches ou des notions classiques de l'anthropologie, telles que l'exotisme, l'observation participante, la réflexivité.
Comment traduire le poe`me oriental ? Comment transposer les pro- fondeurs de la psyche´ humaine exprime´es dans des langues, des formes, une pense´e me^me, qui n'ont rien d'e´quivalent avec celles du franc¸ais ? Selon quels crite`res ?
Les auteurs de cet ouvrage re´pondent a` ces interrogations en distinguant les e´le´ments qui font la valeur esthe´tique de l'original. Pour eux, le tra- ducteur recourt d'abord a` l'analyse des jeux de composition, des modalite´s d'expression, des formes et des images qui jouent un ro^le-cle´ dans l'univers de signification de l'original. Ayant acquis une connaissance intime du texte, il peut alors e´tablir une relation cohe´rente entre le syste`me de composition du poe`me et celui qui constitue le fond stylistique de la litte´rature de re´fe´- rence. Ces mode`les, fort e´loigne´s des the´ories litte´raires que l'on connai^t en Occident, constituent le « fonds » de l'imagination cre´atrice qu'il va mettre au service de la traduction. En essayant de mettre en relation deux mode`les stylistiques, deux contextes linguistiques, culturels et langagiers, voire deux uni- vers civilisationnels, le traducteur peut espe´rer satisfaire au gou^t esthe´tique du lecteur et lui donner a` voir, a` sentir et a` aimer, a` travers la traduction, les beaute´s du poe`me original, sa poe´sie.
Second volet d'une recherche mene´e au sein du Re´seau Asie « Lire et tra- duire les poe´sies orientales » (2005-2012), ce volume continue l'exploration du the`me de l'amour, base anthropologique commune des oeuvres e´tudie´es; le champ d'e´tudes se limite aux poe´sies pre´modernes de l'Asie orientale (chinois, core´en, japonais, vietnamien), de l'Inde (avhadi, kannada, sanskrit, ourdou, te´lougou) et de la Perse ; les travaux se de´veloppent a` travers une discussion entre des praticiens de la traduction et des spe´cialistes du langage.
Discipline jeune, née du « moment théorique » des années 1970, la génétique constitue l'une des principales innovations des trente dernières années dans les méthodes d'approche de la littérature et de la création. Après avoir défi ni sa démarche et ses outils d'analyse dans le champ des études littéraires, la critique génétique élargit son horizon à de nouveaux domaines, textuels ou non, relevant notamment de l'histoire de l'art et de l'histoire des sciences.
Dans le prolongement des deux précédents congrès de critique génétique, les Actes de cette rencontre (Cerisy, 2010) qui a réuni une soixantaine de chercheurs et une douzaine de nationalités, offrent une image complète et détaillée des avancées de la discipline et de ses enjeux majeurs : théorie et terminologie de la génétique, relations aux méthodes critiques et à l'esthétique, grands corpus et nouveaux champs d'investigation (littératures francophones, peinture, photographie, architecture, cognition, informatique), édition en ligne des manuscrits, liens entre conservation et recherche, archive numérique, diffusion de la discipline dans le monde, recherches doctorales en cours.
Un « état de l'art » indispensable pour découvrir les avancées et les potentialités surprenantes de cette approche scientifique qui renouvelle notre connaissance de l'oeuvre à partir de ses archives de travail et de ses processus de création.
À la littérature, la recherche esthétique, les vies singulières, la langue libérée de toute entrave, la transgression?; au droit, les procédures réglées, les rôles établis, le langage figé, la reconduction de l'ordre.
Rappelant l'imaginaire de l'écrivain hors la loi, né dans le sillage des procès intentés en 1857 à Baudelaire et à Flaubert, cette opposition terme à terme dissimule à quel point droit et littérature ont partie liée.
Car la soif de justice irrigue la littérature au point d'en faire un laboratoire du droit. En retour, les lettres peuvent être convoquées dans le prétoire, les romans participer à la formation des juges. La proximité de ces deux champs se manifeste également dans les débats théoriques qui traversent chacun d'entre eux, sur la place de l'interprétation ou le rôle du contexte. Et la censure elle-même, lieu de confrontation par excellence, tend aujourd'hui à prendre de nouveaux visages.
Explorant les oeuvres de Truman Capote et Emmanuel Carrère comme de John Grisham, Juli Zeh, Tanguy Viel ou Franz Kafka, mobilisant des procès récents autant que les philosophes contemporains du droit, cette enquête révèle des solidarités inattendues entre légalité et légitimité, règle et vérité, responsabilité et liberté.
Les Soleils des indépendances d'Ahmadou Kourouma est l'un des romans les plus marquants de la littérature africaine d'expression française du XXe siècle. Célébré par la critique dès sa publication, le roman a connu un immense succès qui ne s'est jamais démenti, en raison des qualités formelles de son écriture et de la puissance du récit. Mais c'est aussi une oeuvre qui fait débat, en raison de la dimension politique de son propos : le récit dresse un réquisitoire sans concession de la société et de la gouvernance ivoiriennes dans la période de la post-indépendance.
Kourouma n'est pas un simple chroniqueur. Ses ambitions dépassent le cadre conjoncturel dans lequel on a pu vouloir l'enfermer. Optant pour un style résolument hybride et une parole affranchie de toute langue de bois, il mise sur une nouvelle esthétique romanesque qui rend solidaires culture et langue, et qui multiplie les innovations au risque de bousculer la tradition écrite française.
Ses audaces, tant linguistiques que politiques, enchantent beaucoup de lecteurs mais en dérangent aussi beaucoup d'autres. Voilà pourquoi, en dépit de ses allures de chef-d'oeuvre, le texte a connu de si graves difficultés avant de pouvoir paraître. Refusé par les éditeurs français, publié initialement au Canada mais moyennant des révisions imposées à l'auteur, Les Soleils des indépendances est une oeuvre qui méritait plus que tout autre d'être relue à la lumière de son parcours génétique.
C'est ce que nous proposent les contributions rassemblées dans ce volume : plonger dans l'histoire du texte à la fois pour comprendre la genèse conflictuelle de l'oeuvre, la nouvelle poétique romanesque qu'elle invente et la difficile émergence d'un créateur qui compte désormais parmi les grands écrivains contemporains.
Les « tiges de mil » et les « pattes du he´ron » sont l'image du de´sarroi. Celui qui, dans l'un des poe`mes tamouls e´tudie´s ici, saisit la poe´tesse quand elle se rend compte qu'elle n'est pas un objet d'amour pour l'homme qui lui a promis le mariage, mais une proie pour un se´ducteur. Une image qui convient parfaitement au poe`me, a` la fois aime´ et trahi par son traducteur.
Comment illustrer dans la traduction franc¸aise le champ de liberte´ que repre´sente le champ de mil ? Comment transmettre au lecteur le choc de la de´sillusion, provoque´ dans l'original par la superposition des tiges e´lance´es du mil et des longues pattes du he´ron ? Comment rendre en franc¸ais cette apparition paradoxale, imaginaire et re´elle, qui fait e´clater la ve´rite´ comme un coup de the´âtre ? Existe-t-il un type de difficulte´s spe´cifique a` la traduction des poe´sies orientales ? Quelles solutions les traducteurs de langues orientales peuvent-ils apporter au dilemme de la traduction ?
Pour tenter de re´pondre a` ce type de questions, il e´tait ne´cessaire d'organiser les conditions d'un dialogue entre des praticiens de la traduction, spe´cialistes de langues et cultures orientales, et des spe´cialistes issus de diffe´rents domaines des sciences humaines (sociologie, histoire, litte´rature compare´e, the´orie de la litte´rature, esthe´tique, traductologie, etc.).
Le pre´sent ouvrage constitue le premier volume des actes de la recherche « Lire et traduire les poe´sies orientales » (2005-2012). Il traite principalement des poe´sies de langues extrême-orientales (chinois, core´en, japonais, vietnamien) et des poe´sies de langues indiennes (bengali, gujarati, kannada, malayalam, panjabi, sanskrit, tamoul, te´lougou).
C'est à une enquête dans un vaste atelier d'écriture à l'échelle de la République des lettres européennes que nous convie cet ouvrage : de Leibniz à Foscolo, en passant par Vico, d'Argenson, Voltaire, Diderot, L.-S. Mercier, Alfieri, J.-B. Say. Études de manuscrits de travail, livres annotés, papiers d'écrivains proposent ici autant d'entrées diverses et spécifiques dans la production d'oeuvres appartenant à des genres différents.
Cette exigence d'incorporer la question des manuscrits à l'analyse des oeuvres promeut l'idée que l'oeuvre se cherche au lieu d'être donnée. Ainsi, dans ce volume certains auteurs sont pour la première fois envisagés du point de vue de leurs manuscrits (d'Argenson, Jean-Baptiste Say). On notera l'étude génétique de textes philosophiques, une lettre à Arnauld de Leibniz par Michel Fichant, montrant une pensée en devenir.
Des études de cas renouvelant nos interprétations des textes et des auteurs de l'âge moderne.
« J'égarai ma subjectivité, mais je trouvais un monde » écrivait Goethe, le père du « roman de formation ». Un monde dans lequel s'ancrent des personnages de fiction destinés à vivre les expériences d'un quotidien ordinaire. Le roman de formation se veut en opposition avec la littérature d'évasion ; on ne recherche pas l'accomplissement de rêves mais celui de l'Homme. À l'image de Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir, le héros mûrit et évolue dans la société de son temps, devenue le théâtre d'une nouvelle conception de l'existence... Franco Moretti accompagne son lecteur dans une analyse de ce genre littéraire qui a révolutionné la pratique du roman : c'est en effet, à la fois, un support de compréhension sociologique, politique et psychologique.
Richement documentée, cette étude majeure nous entraîne au coeur du processus de création qui vit naître, entre autres chefs-d'oeuvre, Le Rouge et le Noir de Stendhal, Illusions perdues de Balzac, L'Éducation sentimentale de Flaubert, David Copperfield de Dickens, Un héros de notre temps de Lermontov...
La rhétorique est un art très ancien et pourtant toujours actuel : celui de s'adresser à un public pour le convaincre. Née au Ve siècle avant notre ère lors de procès liés à la propriété, on la retrouve aujourd'hui logée au coeur des discours politiques et managériaux. Etudier la rhétorique, c'est s'intéresser à deux choses complémentaires : les méthodes existantes pour construire un discours visant à recueillir l'accord du public ; les réflexions philosophiques sur le vraisemblable.
Ces deux aspects sont présents dans cet Essentiel. Il s'agit, à travers les textes de spécialistes contemporains de la rhétorique français et étrangers, de mieux comprendre comment cet art, qui a disparu des programmes scolaires et universitaires, imprègne bien plus qu'on ne le pense les discours contemporains. Ou comment comprendre les rouages essentiels de la persuasion actuelle pour éviter la manipulation.