« J'ai choisi d'intituler ce volume Un archipel car il m'a semblé [...] que ces textes distincts, disparates, cré[e]nt exactement un archipel : ils agencent une forme ; ils font apparaître une unité. Or, c'est précisément cette notion de composition qui m'intéresse, et l'idée qu'une écriture singulière puisse être rendue sensible dans ce choix d'écrits ponctuant quinze années d'écriture et de publication. » Maylis de Kerangal.
« Rouge », une longue fiction inédite, ouvre ce volume qui offre aussi vingt-deux textes, des récits et des essais de longueur variable, parus entre 2007 et 2022 en une vingtaine de lieux différents. Ensemble, ils composent un paysage unique et multiple au sein duquel la lecture emboîte allègrement le pas au récit tandis que l'attention portée à une texture, une voix, une image nous place, dans une langue vive et somptueuse, au coeur d'une recherche en mouvement constant, curieuse de tout. La prose de Maylis de Kerangal trouve, dans la brièveté, une densité et une force remarquables dont le lecteur ne peut qu'être frappé.
Au cours du XXIe siècle, on a régulièrement insisté sur l'urgence de penser la littérature depuis l'Afrique et la nécessité d'adapter les principes et les méthodes de l'exercice critique aux particularités de sa littérature - qui, selon certains, n'existerait même pas en tant que telle. Étant soumise à un double statut social et culturel et à des affiliations culturelles multiples, la littérature africaine d'expression française mérite pourtant un traitement critique différencié qui parachève ses possibilités de réalisation.
Écrit avec érudition et élégance, cet ouvrage propose une réflexion sur la validité scientifique et sociale d'une philosophie de la rupture, indispensable au développement d'une certaine critique. Par ailleurs, des entretiens avec quatre écrivains permettent de répondre à des questions qui servent de jalons tout au long du livre : la littérature africaine existe-t-elle ? Que valent ses écrivains et leurs éditeurs ? Où sont ses lecteurs et son public ? Qu'en disent ses critiques, les collections qui l'accueillent, et les prix littéraires qu'elle reçoit ? De quelle couleur sont ses agents et ses traducteurs ? En en quel français s'écrit-elle ?
Ce livre propose une immersion dans le roman d'anticipation francophone contemporain en analysant, par les outils de la sociocritique et de la philosophie, certaines oeuvres de Nelly Arcan, Michel Houellebecq et Antoine Volodine. Plus précisément, il examine, chez ces écrivains influencés par l'héritage historique du XXe siècle (sa quête d'idéal ou ses désastres ravageurs), les représentations dystopiques de la société et en dévoile les tendances néototalitaires qui se lèvent à l'horizon du futur. Pour ce faire, l'auteur relit également de grands titres de la dystopie anglo-saxonne. Il met ainsi en regard les oeuvres choisies pour en faire ressortir les enjeux littéraires et philosophiques selon une perspective inédite qui renouvelle la compréhension des textes.
La pensée a joué - et joue toujours - un rôle vital dans le devenir de l'espèce humaine dont l'histoire se conçoit et se crée à travers elle. C'est par elle, également, que l'humanité a su pallier des faiblesses qui la rendent vulnérable aux phénomènes naturels. On peut donc s'attendre à en voir la trace dans la façon dont diverses sociétés ont projeté leur existence et assumé leur place dans le monde. Comment la pensée structure-t-elle, concrètement, une civilisation, des individus, voire des institutions ? Avec quels moyens et avec quels résultats ? Telle est l'interrogation au coeur de cet ouvrage.
S'appuyant sur un socle théorique transdisciplinaire, l'auteur montre comment la pensée conçoit le travail esthétique comme une activité par laquelle l'être humain archive l'idée de sa propre existence. Pour ce faire, il examine un corpus d'oeuvres subsahariennes parues, pour la plupart, au cours des deux premières décennies du xxi e siècle en partant du motif de la crise (sociétale, individuelle, institutionnelle). Il développe ainsi l'idée paradoxale que l'humanité, pour garantir son existence, déploie les mêmes moyens symboliques qu'elle mobilise pour la défaire. Ce paradoxe nous conduit au-delà de la seule existence humaine pour réintégrer cette dernière dans l'écosystème, cadre ultime à toutes formes d'existence.
Relire Voyage au bout de la nuit en 2022 demeure une entreprise périlleuse, mais exaltante. Afin d'éviter de tomber dans le piège de la condamnation ou de la réhabilitation de l'auteur, les treize analyses qui composent cet ouvrage adoptent un parti pris littéraire et se demandent ce que le premier roman de Céline continue d'avoir d'actualité et de portée critique. Les études génétiques, qui ont joué un rôle capital dans la réévaluation de l'oeuvre à partir des années 1970, restent ici essentielles compte tenu de la réapparition récente d'un ensemble considérable de manuscrits céliniens. Les deux autres parties de l'ouvrage approfondissent l'étude de thèmes et de figures, ou bien contextualisent des aspects du roman en mettant à contribution des savoirs historiques, médicaux ou économiques liés à son époque. Une dernière partie comprend quelques textes rédigés par des écrivains. Ils esquissent, sur un ton plus personnel, une étude des filiations littéraires de Céline, et plus particulièrement des résonances de Voyage au bout de la nuit chez les écrivains québécois.
En abordant la question de la mémoire, Régine Robin a dressé la carte de ses différentes représentations dans cet essai qui a marqué les études littéraires des années 1990. Mémoire savante, historique ou nationale, mémoire culturelle et collective... C'est cette dernière qui est au coeur du « roman mémoire » étudié dans cet ouvrage, qui montre bien que si le roman est la « mise en forme narrative » du souvenir, la mémoire collective en est le sens.
Selon ses propres mots, elle offre un itinéraire intellectuel qui n'entre pas dans les catégories d'usage. « Récit de voyage si l'on veut, voyage intellectuel, spirituel, existentiel, itinéraire qui ne s'arrête pas au découpage convenu des discours. ».
Dans cet ouvrage, l'auteur examine la problématique du désir et celle du besoin de construire une subjectivité dans le contexte des crises langagières et identitaires qui ont marqué le xx e siècle. À partir de l'ontophonie vocale de Ghérasim Luca et de l'ontograffie visuelle d'Henri Michaux, il engage une réflexion sur ces procédés poétiques qui déjouent et décomposent le langage afin de trouver des formes d'expression inhumaines, sources ineffables du comment vivre autrement le corps dit humain. Dans un dialogue inspiré avec les écrits de Walter Benjamin, de Jean Laplanche et de Georges Bataille ainsi que de plusieurs artistes et penseurs qui interrogent la valeur de l'être moderne et de son expressivité, il élabore le concept d'inhumain poétique. Par une savante et étonnante démonstration, il dévoile tout le potentiel d'une transcendance profane et surtout poétique. À la question d'Hölderlin « À quoi bon des poètes en temps de détresse ? », il propose des réponses autant ludiques et stimulantes que profondes.
Notre époque a soif de réalité et les médias se chargent bien volontiers de l'étancher. A travers le fouillis des reality shows, des blogues et des confessions de toute nature, comment l'oeuvre littéraire arrive-t-elle à tirer son épingle du jeu, à fonder son droit à parler du monde comme il va ? Il semble que la littérature, au cours des dernières décennies, ait renoué tant bien que mal avec l'idée de s'inscrire de plain-pied dans le réel, s'attachant à surmonter les clivages entre document et fiction, archive et récit, pour parvenir à une vérité qui n'est soumise ni aux clichés du roman ni à l'épreuve d'un réel impossible.
Entre "fiction sans fiction" et non-fiction tentée par les artifices de l'imaginaire, les oeuvres étudiées ici cherchent à retrouver quelque pertinence sociale en réinventant les modalités de ce réalisme qui a fait de la littérature un fantastique instrument de connaissance de l'homme et du monde.
Fidèle aux dimensions interdisciplinaire et internationale de notre revue soucieuse de confronter des recherches conduites entre les domaines et entre les pays, ce numéro libre réunit des contributions dont les auteurs appartiennent à sept institutions universitaires, au Québec, au Canada, en Estonie, en Italie, en Norvège. Les huit études qui le composent portent sur huit auteurs différents, de Charles Baudelaire à Kamel Daoud, du plus canonisé au plus contemporain, qui appartiennent aux littératures écrites en français auxquelles s'attache Études françaises depuis sa création : littérature québécoise, littérature française et littératures francophones. Elles mobilisent des méthodes et des savoirs variés, ceux de la philosophie, de la psychanalyse, de la stylistique, de l'onomastique, des démarches et des approches multiples, étude des espaces liminaires, études cinématographiques, imaginaire et discours social, discours de la fin.
Ce livre se penche sur les modes de transmission et d'énonciation de la mémoire dans la littérature contemporaine, principalement dans des récits qui s'interrogent sur la perception du temps présent, passé et à venir. L'esthétique et l'éthique y apparaissent comme les deux côtés d'une médaille, deux dimensions inséparables et inépuisables de l'oeuvre, particulièrement quand celle-ci met en question son propre statut d'oeuvre. Que ce soit par adhésion ou par rejet, elle prend ainsi position à l'égard du monde dans lequel elle s'inscrit, un présent héritier des événements et des constructions du passé. Comment la mémoire crée-t-elle une voie d'accès privilégiée à la façon dont « pense » le texte littéraire ? En fouillant certains récits de Patrick Modiano, d'Annie Ernaux ou de J.M.G. Le Clézio, on peut mettre en évidence les manifestations d'un discours conscient de ses propres limites et qui doit néanmoins rendre compte d'une pluralité d'expériences. Ces récits explorent les paradoxes du langage et de l'expérience et il en surgit un concept inédit, celui de maldicible. Appliqué aux questions d'identité, d'altérité, d'éthique du témoignage, d'inscription sociale ou de conscience historique, ce concept s'avère des plus judicieux pour analyser et mettre en valeur les façons dont les textes étudiés pensent et offrent à penser. Ce que fait l'auteur de cet ouvrage de façon aussi minutieuse que clairvoyante.
Résolument multidisciplinaire, cet ouvrage cherche à mettre en lumière la pluralité des rôles qu'ont joués les revues culturelles, reconnues ou marginales, dans l'histoire du Québec. D'un certain « canon revuiste » à des périodiques qui, sans être de « petites revues » ou de « petites feuilles », sont moins étudiés, il entreprend une traversée intellectuelle et littéraire des années 1940 à l'époque contemporaine. On trouvera ici des analyses autant sur La Relève que sur la Conspiration dépressionniste, en passant par la presse gaie et féministe, les revues de cinéma ou la Revue Le Quartanier, Mainmise et même Croc. Ce collectif rend non seulement compte de la diversité de l'« objet revue », mais il offre aussi des contributions très fouillées, au croisement de l'étude de cas et de la réflexion globale sur la revue comme pratique et comme « institution », mais aussi comme sujet incontournable pour les études littéraires et culturelles.
Les monstres ont toujours existé, et on les représente au moins depuis l'Antiquité. Pourtant, ce terme qui était populaire il y a quelques décennies à peine est rarement énoncé de nos jours, sauf - essentiellement - dans une perspective morale (ou moralisatrice). On peut néanmoins trouver un sens à la monstruosité ; mais comment la définir de la manière la plus neutre possible ? On pourrait avancer, prudemment, qu'il s'agit d'un écart marqué par rapport à une norme qui elle-même varie en fonction du contexte culturel, social ou politique.
Le Frankenstein de Mary Shelley, la figure la plus ancienne examinée dans cet ouvrage, sert un peu de fil conducteur à ce parcours qui s'attarde sur des oeuvres de fiction dans lesquelles le monstre est pensé par la science et la technologie, ou plutôt par leur imaginaire souvent débridé. Dans ce cadre précis, le fantasme du monstre permet de diverses façons de se pencher sur des concepts comme ceux d'hybridité, d'altérité, de cyborg, d'animalité humaine et sur des rapports plus complexes que prévu entre nature et culture. Penser le monstre comme une figure épistémique pour réfléchir aux savoirs de tous les temps : un but ambitieux, que l'auteur de cet essai atteint sans encombre.
Le cauchemar de la chute de Phonsine dans un puits possède une extraordinaire résonance dans les écrits de Germaine Guèvremont. Clé de l'oeuvre, ce rêve, qui est l'expression d'importants traumatismes ayant marqué l'autrice, synthétise les enjeux de son écriture et en révèle les fondations mêmes.
Une idée reçue voudrait que Germaine Guèvremont soit l'autrice d'un seul roman : cet essai montre au contraire qu'elle a écrit un vaste cycle qui traverse les époques, les genres et les médias, et qu'il faut l'étudier dans son ensemble pour prendre la pleine mesure de l'ambition et du talent de sa créatrice. À partir d'une étude psychocritique du rêve de Phonsine, David Décarie met en lumière une poétique du Cycle du Survenant en s'appuyant sur les recherches qu'il mène depuis une dizaine d'années. Il s'intéresse à trois aspects de la vie de Guèvremont - le deuil, les secrets de famille, l'enfant de remplacement - qu'il met brillamment en rapport avec des procédés d'écriture qui structurent l'oeuvre. Ce faisant, il lève le voile sur l'une des plus grandes écrivaines du Québec.
En littérature comme en politique, quelles sont les conditions d'émergence des discours singuliers ? Sans prétendre épuiser une aussi difficile question, cet essai l'aborde par le biais du récit, posant par hypothèse qu'un récit diffus et structurant parcourt l'ensemble du discours culturel et le contraint.
Ce récit commun, Micheline Cambron tente de le retracer, entre 1967 et 1976, avec des textes aussi différents, à première vue, que les chansons de Beau Dommage, les articles de Lysiane Gagnon sur l'enseignement du français, les monologues d'Yvon Deschamps, la pièce Les bellessoeurs de Michel Tremblay, les poèmes de Gaston Miron et L'hiver de force de Réjean Ducharme.
Cet essai, qui s'interroge sur le type d'histoire que nous nous racontions en ces années-là, reconstruit avec bonheur tout l'intelligible d'une époque au Québec. S'il s'adresse d'abord au lecteur de littérature québécoise, il se révélera également précieux pour tous ceux qui aiment réfléchir sur la dimension sociale du langage et de la littérature.
Les lecteurs d'essais qui n'ont pas peur de la théorie littéraire pointue se plairont à la lecture d'Approches de l'essai, une anthologie de textes théoriques qui se penchent sur ce «genre ambigu où l'analyse rivalise avec l'écriture» (Barthes).
Rassemblées par le professeur François Dumont, ces études tentent de cerner la nature de l'essai, de faire la part de l'art et de la science, de la subjectivité et de la connaissance, dans cette pose d'idées polymorphe, et proposent des définitions et des typologies de ce genre dont la mission consisterait, selon le critique américain R. Lane Kauffmann, à poursuivre « la discussion critique de la culture sur la place publique ».
Les deux livres réunis ici démontrent clairement toute la contemporanéité des écrits de celle qui a contribué à l'implantation du discours féministe au Québec. On n'a qu'à ouvrir le livre au hasard des pages pour constater la pertinence et l'actualité des propos de l'essayiste en un temps où la parole féministe a bien besoin de ses racines. Le prouve aussi cet extrait de la main de l'auteure :
Je suis violente et j'ai horreur de la violence. Horreur des violences qui m'ont été faites et qui sont tapies en moi, couchées là, endormies et prêtes à se relever, à courir comme de grandes folles, irrépressibles, mauvaises comme des eaux déchaînées. Ces violences, je n'ai pu les tuer, on ne tue pas la violence, on ne l'évacue pas, on l'occulte, on la range, mais elle est là, indocile, indomptable.
L'écriture de ce livre est née de la conviction que la parole humaine détient force de vie et de liaison, mais qu'elle nous sépare aussi de nous-même en médiatisant notre rapport à la concrétude du monde et aux lois de la matière. Au centre de ce paradoxe apparaît le sujet parlant - désirant - qui, tout en utilisant les mots de l'Autre, est tenu d'apprendre à s'exprimer en son propre nom afin de s'insérer dans l'ordre symbolique et d'assumer, selon les mots d'Hervé Bouchard, le « rôle de sa vie ».
À travers la lecture des oeuvres de trois auteurs préoccupés par la question de l'inadéquation de la parole au réel - celles d'Hervé Bouchard, Pierre Perreault et Hector de Saint-Denys Garneau -, cet ouvrage cherche à mettre en lumière « la part de scandale de la parole créatrice », c'est-à-dire l'inévitable aliénation qu'implique cette dernière au coeur même de l'invention. Convoquant les études littéraires, la théorie psychanalytique ainsi que certains éléments de philosophie, on verra que toute velléité de contrôle absolu du déploiement de la parole humaine - incommensurable - se révèle illusoire lorsque l'assujettissement au langage sert d'assise à une réflexion sur notre activité créatrice.
Tantôt échafaudage, tantôt squelette, parfois patron de couturière, la contrainte est un réglage intentionnel et ad hoc servant à la confection d'un texte. Fer de lance des membres de l'Ouvroir de littérature potentielle (Oulipo), cette pratique d'écriture peut se concevoir dans toutes les langues, à toutes les époques. Le Québec ne fait pas exception, avec des oeuvres aussi diverses et originales que celles de Nicole Brossard, Raôul Duguay, Guy Delahaye ou Anne Archet.
La 'Pataphysique, le formalisme et les machines - trois points d'ancrage de la littérature à contraintes -sont ici envisagés à même un corpus exclusivement québécois, composé d'une centaine d'oeuvres publiées entre 1910 et 2019. L'autrice en profite pour réf léchir aux enjeux qui émergent d'une analyse inédite et audacieuse : l'alliance du rire et de la science, le féminisme, la potentialité. Elle fait ressortir un aspect méconnu de la littérature québécoise, tout en soulignant l'influence littéraire et la puissance théorique de cette écriture pour le moins singulière.
Qu'est-ce que la littérature aujourd'hui ? Et qu'est-ce que la littérature québécoise ? Dans la foulée du grand critique que fut André Belleau, l'auteur met ici à l'épreuve la définition de la littérature dans les années 2000 trouvée non pas dans les discours savants, mais dans le ferment même des fictions narratives contemporaines. Il analyse un large corpus, de Nelly Arcan à François Blais, en passant par Catherine Mavrikakis et David Turgeon, et explore ce qu'est la littérature dans sa figuration, en établissant une forme de synthèse. Son postulat : le roman, en représentant l'écrivain, l'étudiant ou le professeur de lettres, le correcteur ou l'éditeur, porte un discours sur ce qu'est la littérature, ce qui permet de mieux en concevoir la spécificité et de rendre compte des grandes tendances littéraires d'aujourd'hui.
L'originalité de ce livre consacré à Michel Houellebecq tient d'abord à ce qu'il est le premier ouvrage universitaire à mettre aussi nettement en valeur l'importance de la poésie dans l'oeuvre de l'écrivain, sans pour autant négliger ses romans - y compris le dernier paru à ce jour, Sérotonine, publié en 2019. Un autre de ses traits distinctifs : la perspective sociocritique adoptée par l'ensemble des collaborateurs. Les textes, placés à l'avant-scène, sont analysés de manière à montrer la façon dont ils travaillent la semiosis sociale, c'est-à-dire l'ensemble des moyens langagiers par lesquels la société se représente ce qu'elle est, ce qu'elle a été et ce qu'elle pourrait devenir. Les études rassemblées dans ce volume permettent d'envisager sous un éclairage nouveau les oeuvres poétiques et romanesques de Houellebecq, qui prennent systématiquement le réel à bras-le-corps, tout en restant attentives aux manifestations du monde sensible, aux passions et aux déchirements qui sont le lot de tout individu.
« L'art naît de contraintes, vit de luttes et meurt de liberté », écrivait André Gide. Les travaux sur la censure au Québec menés par le professeur émérite de l'Université de Sherbrooke, Pierre Hébert, ont montré dans toute leur historicité les fondements du contrôle des discours et les combats pour la liberté artistique. Le présent ouvrage entend reconnaître ce legs majeur pour les études québécoises en appréhendant sous un angle novateur les questions censoriales et les diverses formes de régulation ayant pesé sur la culture.
Des écrits de la Nouvelle-France à nos jours, comment la production littéraire a-t-elle, tant bien que mal, composé avec les entraves, qu'elles soient contextuelles ou textuelles ? L'objectif de l'ouvrage est de cerner les effets des contraintes, quelles qu'elles soient, dans une perspective externe (contraintes financières, familiales, genrées, idéologiques) ou interne (discursives, éditoriales, génériques, etc.). Quels sont, d'hier à aujourd'hui, les mécanismes d'intégration ou, à l'inverse, les stratégies de contournement des cadres et des impératifs qu'une époque impose au littéraire ? Comment la contrainte peut-elle devenir un moteur ou, à tout le moins, un ressort de la création ? Les textes réunis ici posent à nouveau la question, à leur manière, de l'influence et des effets des différents dispositifs de contrainte et leurs manifestations dans la littérature québécoise.
Il est admis que le genre sentimental correspond à une forme figée, rigide et pauvre. Pourtant, pour peu que l'on examine attentivement les textes qui s'inscrivent dans ce registre, on ne peut qu'être frappé par leur étonnante plasticité.
Ce numéro d'Études françaises est consacré au récit sentimental au Québec des années 1920 aux années 1960. Durant ces décennies parfois décrites comme une période de crise et de « Grande noirceur », le récit sentimental québécois n'a eu de cesse d'offrir des visions renouvelées des rencontres amoureuses et du mariage, tout autant que de l'éducation des filles, du confort matériel et de la sexualité. Il constitue une formidable caisse de résonance pour certains des rêves de la société québécoise de cette époque.
Cet ouvrage au titre ambitieux constitue moins un état des lieux qu'une interrogation sur un genre protéiforme dont l'expansion semble illimitée et qui occupe de plus en plus la scène littéraire. La première question concerne la notion de francophonie elle-même, ensemble hétérogène et extrêmement complexe. En effet, comment désigner les diverses littératures francophones sans les marginaliser ou les exclure, tout en prenant acte de leur statut singulier ? L'écrivain francophone doit composer avec la proximité d'autres langues, avec une première déterritorialisation constituée par le passage de l'oral à l'écrit et avec cette autre créée par des publics immédiats ou éloignés. Condamné à penser la langue, il doit aussi penser les formes par lesquelles le monde se donne à voir ; son oeuvre, en jouant sur les codes des différents horizons culturels, devient une reconfiguration de la littérature. Qu'apporte le roman francophone à la forme roman ? Quels en sont les modèles et de quelles manières s'y inscrit le palimpseste ? Quels types de rapports se sont créés entre ce genre d'origine européenne et les nouvelles littératures de langue française ? Quelles redéfinitions ont été proposées et comment s'y décline le contemporain ? Quel(s) savoir(s) véhicule-t-il ? Dernière question, mais non la moindre : le roman, en tant que genre, n'est-il pas par définition suspect ? Au lecteur d'en décider.
La récente découverte de nombreuses lettres inédites de Garneau est à l'origine du présent essai. Elle invite à une relecture de l'ensemble de sa correspondance, qui ne peut plus simplement être considérée comme un à-côté de l'oeuvre tant elle relie et dynamise tous les morceaux de celle-ci.
Peu d'écrivains se sont investis avec autant d'intensité que De Saint-Denys Garneau dans l'écriture épistolaire. Durant sa courte vie (1912-1943), il a écrit des lettres d'amitié et d'amour remplies d'intelligence, d'humour et de pathos, qui révèlent les différentes facettes de son être. Derrière l'écrivain réputé austère et reclus se profile un personnage inattendu, qui aborde de façon très libre et incarnée la question centrale de tous ses écrits : comment être ? Dans l'espace privé de la lettre, sans les contraintes et la retenue imposées par la publication, Garneau trouve un lieu idéal pour s'écrire et construire ce qu'on propose d'appeler sa fiction de soi.