De toute évidence, nous n'arriverons à rien si nous ne parvenons pas à faire croire, mondialement, en la possibilité d'un monde meilleur en donnant à voir, le plus concrètement possible, à quoi il pourrait ressembler. C'est d'abord le manque d'espoir qui nous voue tous à l'impuissance. Essayons donc de dessiner ensemble les contours de ce monde possible, un monde d'après dans lequel on pourrait convaincre un ouvrier italien, un paysan espagnol, un agriculteur du Sénégal, un habitant d'une favela de Rio ou d'un slum de Bombay, un employé égyptien, un médecin irakien, un étudiant chinois, mais aussi un chef d'entreprise français ou japonais, etc. qu'il se trouverait bien d'y vivre. Ce sont les contours d'un tel monde que ce numéro du MAUSS esquisse.
Cet ouvrage s'intéresse à l'articulation entre révolution, lutte armée et terrorisme. En dehors d'une large bibliographie, d'une réflexion générale sur les stratégies révolutionnaires et d'une analyse des relations entre trotskysme et terrorisme, diverses aires géographiques sont abordées : l'Europe avec l'Espagne et l'Allemagne, l'Amérique latine et l'Amérique du nord.
Nous proposons ici une exploration de la personnalité de Daniel Guérin. Celui-ci illustre la figure d'un militant révolutionnaire en mouvement(s). Pendant plus d'un demi-siècle, il fut engagé dans de nombreuses causes. Syndicaliste et socialiste SFIO, "pivertiste" et trotskyste, antifasciste, militant de la cause homosexuelle, anticolonialiste et antiraciste, libertaire, il fut aussi un historien reconnu de la Révolution française. Dans la synthèse du marxisme et de l'anarchisme, Guérin chercha à dépasser les antagonismes politiques.
Ce volume 10 de la revue Dissidences se propose d'éclairer les rapports pluriels entre musique et révolution du XIXe au XXIe siècle.
Souvent, un soulèvement, une barricade, une révolution vont avoir leurs chantres, leurs poètes, leurs musiciens. Souvent, après l'échec, la ritournelle hante encore les têtes des uns et des autres ; l'air du temps colporte encore des chants de mémoire qui rappellent l'héroïsme du peuple, qui scandent la réalité crue de l'asservissement, qui portent les espoirs au plus haut. Au travers d'un voyage musical très varié, ce volume vous invitera à découvrir les chants d'ouvrières sur leurs ateliers, les arcanes de la révolte dans le rap, l'espoir révolutionnaire de briser les chaînes dans le reggae.
Ce parcours sera mondial : les Antilles, le Brésil, le Mali, l'Italie, la France en sont autant d'étapes. La chanson sera rock, progressive, la musique punk, douce, âpre. On y croisera des figures tutélaires de la révolte, des artistes libertaires, des gens de peu, des chansonniers d'hier. Il s'agira d'ériger des barricades, de se donner du courage pendant une révolution, de se remonter le moral lors d'une grève.
On y parlera de 1968 et de sa "bande-son", d'un chant révolutionnaire brésilien et de son devenir, des salles de Dancehall, on découvrira ce qu'était la "goguette" dans le Paris des années 1840, lorsque le spectre révolutionnaire hantait l'Europe. Ce voyage s'achèvera avec l'espoir d'avoir fait découvrir des cultures inédites, exploré des thèmes souvent méconnus, et permis d'entendre des sons qui amèneront l'imaginaire à créer des musiques et chansons nouvelles.
Ce volume 14 de la revue Dissidences (revue spécialisée sur l'étude des dissidences politiques, sociales, artistiques) propose trois angles d'approche permettant de faire le point sur les travaux les plus actuels sur les anarchismes. Dans une première partie, c'est l'angle théorique qui est privilégié. La difficulté de définir précisément ce que recouvre le terme d'anarchie est explorée. Dans un deuxième temps, c'est plus sous l'angle de l'action anarchiste que ce thème est abordé. Par exemple à travers l'évocation du mouvement anarcho-punk ou le lien aux mouvements de sans-emploi. Enfin, dans un troisième temps, c'est à une découverte de différentes traditions anarchistes en Amérique Latine que se conclut se numéro. Ce volume permet donc de faire le point sur l'actualité la plus contemporaine, non liée à l'espace français, de ce mouvement politique.
L'étude des événements de 1968 et de la décennie qui suivit a considérablement progressé, ce dont témoigne l'abondance des publications pour le quarantième anniversaire du « joli mois de mai ».
La présente journée entend se concentrer plus spécifiquement sur les recompositions idéologiques à l'oeuvre au cours des années 1970, souvent évoquées mais peu étudiées dans leur ensemble, et sur leur rapport au champ politique.
Des courants aussi divers que l'école de Francfort, la deuxième gauche autogestionnaire dans son rapport à la refondation du PS, l'extrême gauche qui conteste l'hégémonie du Parti communiste (et de manière plus générale la référence à des auteurs alors très en vogue comme Foucault et Althusser...) s'ils ont chacun leur spécificité, s'inscrivent dans une même séquence qui redéfinit de manière décisive les débats intellectuels et politiques de la France contemporaine, et dont les héritages constituent un élément majeur pour comprendre les mutations ultérieures des années 1980-1990 dont François Cusset esquissa la topographie intellectuelle. De nouvelles orientations politiques se font jour qui, par les stratégies d'acteurs qui les façonnent, valent discours d'ordre et symétriquement péjoration des horizons d'attente antérieurs. Au procès du grand soir comme du marxisme léninisme s'additionnent des aggiornamenti, ou l'imposition de nouveaux paradigmes à gauche, comme l'idéologie antitotalitaire. Les communications, centrées sur les enjeux de ces débats, présenteront la façon dont ces derniers se définissent à travers l'action d'acteurs concrets (militants, universitaires, traducteurs, journalistes...) dépendant d'une conjoncture politique et sociale en plein bouleversement (nouvelles générations, restructurations économiques et recompositions politiques...).
Placées sous le signe de la crise, les années 1930 sont également celles de l'installation, en Allemagne, ou du renforcement, en Italie, des dictatures. En URSS, le stalinisme prend ses traits définitifs, entre collectivisation forcée et élimination physique des opposants. Comment les artistes ont-ils réagi en cette période de « temps menaçant » ? L'objectif de ce numéro de Dissidences sera de montrer, en conviant le lecteur à un vaste tour d'Europe, de l'Allemagne nazie à l'Italie fasciste, en passant par la Tchécoslovaquie et l'URSS, comment les artistes confrontés à la censure ont-ils continué à créer ? Des articles aborderont les arts plastiques, la gravure, le dessin, la presse, le théâtre, le cinéma, ainsi que les notions d'activisme, d'engagement des artistes et d'exil. Ce faisant, ce numéro de Dissidences répond à un voeu de Roland März pour qui « il n'y a pas à ce jour de bonne étude globale concernant les stratégies de survie oscillant entre angoisse et espoir, opportunisme et résistance » (in Catalogue de l'exposition du Musée d'Art moderne de la ville de Paris, Années 30 en Europe. Le Temps menaçant, Paris, Flammarion, 1997, p.60).
De Nous voulons tout de Nanni Balestrini à Underworld USA de James Elroy, en passant par Le Père de Blanche-Neige de Belén Gopequi, Das Luxemburg-Komplott de Christian von Ditfurth ou L'Homme qui aimait les chiens de Léonardo Padura, les exemples récents de traitement du réel révolutionnaire à travers le miroir de l'imaginaire artistique sont légions, touchant aussi bien la littérature « blanche » que les « mauvais » genres, roman noir (Nous Cheminons entourés de fantômes aux fronts troués de Jean- François Vilar) et science-fiction (Les Dépossédés d'Ursula Le Guin).
C'est à ce kaléidoscope fictionnel que ce volume de Dissidences souhaite s'intéresser, en prenant la littérature dans sa totalité en tant que miroir, révélateur ou passeur de l'extrême gauche. Sont ainsi abordées les mutations du sujet révolutionnaire, telles qu'elles peuvent être repérées dans la littérature noire américaine, l'oeuvre poétique de Sante Notarnicola ou les romans El padre de Blancanieves de Belén Gopegui et Les Renards pâles de Yannick Haenel ; la guerre d'Algérie traversant le prisme De nos frères blessés (Joseph Andras) ou de la revue Action poétique ; le militantisme maoïste, dont une des sorties privilégiées pourrait bien se faire par l'écriture littéraire, celle de Charles Paron ou des anciens établis.
Deux contributions reviennent également sur des réminiscences de l'ancien efficace communiste, que ce soit à travers les uchronies prenant 1917 comme focale, ou le roman espagnol d'envergure qu'est La Caverna del comunismo d'Andrés Sorel. D'autres articles se penchent sur les traitements fictionnels récents d'une Révolution française toujours brûlante, ainsi que sur l'autopsie des années 70 et des espoirs incandescents de changer le monde, entre autre par la lutte armée, pratiquée par Mathieu Riboulet, Ulrike Edschmid et Alban Lefranc. Une facette méconnue de Claude Levi- Strauss est enfin dévoilée, celle du critique littéraire.
Autant de réflexions qui constituent une invitation à saisir la littérature comme vecteur révolutionnaire dans le cadre d'une politisation de la fiction.
PIERRE BROUÉ (1926-2005) est un historien majeur de l'historiographie du communisme et des mouvements révolutionnaires au XXe siècle, de l'Espagne à la Chine, de l'URSS à la Tchécoslovaquie du « printemps de Prague », de la France au Brésil. Ses ouvrages sur Léon Trotsky - dont il a édité une partie des oeoeuvres en français - ou les révolutions allemandes font encore autorité, et il a consacré sa vie de chercheur à mettre en lumière la face lumineuse du mouvement communiste opposée à la tragédie du stalinisme.
Avec ce volume les auteurs nous éclairent sur son apport en tant qu'historien, mais également sur la dimension plus proprement politique du personnage, indissociable du premier.
Les divers articles inédits s'intéressent ainsi à la caractérisation de sa démarche d'historien, traversée par la centralité de la révolution, à la réception de ses écrits dans les années 1960 ou autour de sa biographie de Trotsky, mais aussi au travail en équipe qu'il a dirigé dans le cadre de l'Institut Léon Trotsky ainsi qu'à certains aspects de son investissement militant au sein du Groupe Lambert puis de l'OCI (discussion sur la révolution cubaine, travail en direction des pays de l'est, militantisme grenoblois). Quelques textes peu connus de Pierre Broué complètent cet ensemble. Cette parution, la première qui lui est entièrement consacrée depuis sa disparition, souhaite ainsi initier un retour critique sur une oeoeuvre incontournable.
L'historiographie consacrée au syndicalisme, dans son rapport au phénomène révolutionnaire, s'érode. Pourtant, des différentes structures produites par le mouvement ouvrier depuis le XIXe siècle, le syndicalisme est certainement celui qui a le plus entretenu de liens avec la thématique révolutionnaire. Mais l'articulation entre syndicalisme et révolution nécessite à nos yeux de déconstruire l'amalgame qui identifie toute prise de position révolutionnaire dans le mouvement syndical à l'expression de la tradition syndicaliste révolutionnaire.
Interroger les syndicats dans l'horizon révolutionnaire ouvre doublement l'espace de l'enquête. La révolution se donne soit comme but ou comme possible avec lequel doit composer l'action syndicale ; l'horizon révolutionnaire implique l'ensemble de la société, et non la seule sphère syndicale réduite à la classe ouvrière.
L'approche choisie entend donc embrasser le syndicalisme dans sa diversité et ne pas se limiter à la seule perspective nationale, privilégiant le comparatisme et la dimension internationale.
Depuis au moins le Nouveau Monde Amoureux de Charles Fourier (1816) jusqu'à l'affiffi rmation de militantes de Tout ! - « Votre libération sexuelle n'est pas la nôtre ! » (1971), en passant par les surréalistes français confrontés aux accusations des communistes de « compliquer les rapports si simples et si sains de l'homme et de la femme » (Breton, 1932), la question des sexualités et plus largement de l'amour percute l'engagement révolutionnaire, dans toutes ses dimensions. Si dans les années 1968, la question des rapports sexuels tend à se poser explicitement et politiquement, voire à devenir centrale dans la formation de mouvements ad hoc comme le Mouvement de libération des femmes ou le Front homosexuel d'action révolutionnaire, elle semble constituer tout à la fois une zone d'ombre et un vecteur de dissensions dans l'histoire des mouvements révolutionnaires. Si les aspects français trouvent naturellement leur place dans cette interrogation, des contributions portant sur des dimensions non-hexagonales sont particulièrement souhaitées.