À la fois émotion et argument, l'indignation est liée depuis toujours aux pratiques polémiques. Elle joue un rôle croissant dans les débats contemporains et leur médiatisation, surtout ceux qui portent sur certains usages non consensuels de la langue. Au croisement de l'analyse de discours, de la littérature, de la rhétorique, de la psychologie et de l'histoire, elle invite, plus que toute autre émotion, à repenser la relation entre raison et affect, en particulier dans les discours argumentatifs.Ce livre propose d'analyser les modalités de construction discursive de cette émotion politique par excellence: la manière dont se nouent en elle singulier et général, réel et valeurs, mémoire polémique et dynamique du surgissement. Il scrute aussi les procédures de fictionnalisation qu'elle mobilise, le type de communauté qu'elle projette et produit, la manière dont elle construit ou défait des liens sociaux.Il interroge enfin des cas limites: l'indignation a-t-elle légitimement sa place dans une controverse d'experts, et si oui sous quelles formes? peut-il exister une indignation sans public? un discours peut-il faire partager une indignation sans l'exprimer lui-même?***Anne Régent-Susini est professeure de Littérature française du XVIIe siècle à l'université Sorbonne Nouvelle et consacre notamment ses recherches à la rhétorique, à l'éloquence publique, au discours polémique, à l'écriture de l'histoire et aux liens qui se nouent entre littérature et spiritualité.Yana Grinshpun est maître de conférences en Sciences du langage à l'université Sorbonne Nouvelle. Ses recherches se situent au croisement de l'analyse du discours médiatique, de l'argumentation et de la linguistique de l'énonciation.
L'essentiel pour comprendre Capitale de la douleur de Paul Éluard.
Cet ouvrage propose une étude approfondie de ce recueil de poèmes, les repères essentiels sur l'oeuvre et son auteur, des analyses thématiques, des prolongements vers d'autres textes et, en annexe, des informations complémentaires utiles à la compréhension de ces poèmes.
Savant, maître, ami : Gérard Ferreyrolles illustre exemplairement chacune des trois catégories. Pendant quarante ans, ses travaux et sa courtoisie ont assuré le rayonnement de chacun des sujets qu'il a abordés. S'il a privilégié l'étude de Pascal, de Bossuet, celle, plus généralement, des relations entre littérature et religion, ainsi que de l'histoire au XVIIe siècle, de l'éloquence de la chaire ou des moralistes, ces domaines n'ont jamais circonscrit sa curiosité. Collègues et disciples ont souhaité, en composant ce volume, rendre hommage à la contribution capitale qu'il a pu apporter à l'histoire de la littérature classique.
En lien avec l'histoire de la lecture et la sociologie des textes, le présent volume souhaite interroger les choix théoriques dont témoignent diverses éditions d'oeuvres complètes d'auteurs des XVIe et XVIIe siècles.
Ennuyeux, le sermon ? poussiéreux ? rien n'est moins sûr.
Inventant à bien des égards les pratiques médiatiques d'aujourd'hui, le sermon constitue une oeuvre littéraire singulière et paradoxale, oú tente de s'élaborer une éloquence expressive sans être théâtrale, sublime sans être grandiloquente, simple sans être banale, persuasive sans être manipulatrice tant il est difficile de prêcher les convertis. on y croise des esclaves et des rois, des don juans et des voyous, des rossignols et des baleines, des navires et des carrosses.
On y parle de dieu, bien sûr, mais aussi de sexualité, de politique, d'argent et surtout d'amour. on y aborde sans fausse pudeur les problèmes du mal, de la mort et de la souffrance. saint augustin y côtoie l'abbé pierre, bossuet y voisine avec martin luther king, au milieu de mystiques et de théologiens, de vagabonds et de superstars, de saints et de révoltés. qu'on écoute donc enfin le sermon pour ce qu'il est une parole engagée et incarnée, profonde et actuelle, au service d'une certaine idée de dieu, des hommes, de la société.
Laboratoire rhétorique et tribune des rêves d'un monde meilleur, le sermon vaut décidément bien mieux que sa réputation : il est temps de réentendre cette langue de feu, qui n'est en rien une.
La présente étude se propose de revisiter tout autant que de questionner une doxa, celle d'un Bossuet à la voix tonnante, au verbe triomphant. Apparemment monolithique, le discours de Bossuet se révèle en effet parcouru par de multiples tensions.
Poursuivant le rêve toujours réaffirmé d'une vérité universelle qui, intrinsèquement dotée d'autorité, n'aurait besoin que d'être énoncée, exposée, pour convaincre, Bossuet renonce en pratique à cette " antiéloquence " et développe dans la majeure partie de son oeuvre une argumentation se voulant, non sans paradoxe, construction d'immédiateté. Il élabore ainsi une rhétorique " anti-conversationnelle " : discours de combat, et non de débat ; de conversion, et non de conversation.
Pourtant, l'intimidation laisse bien souvent place à la construction d'un consensus (homonoia) - et l'affirmation du je à son effacement. Au pathos ouvertement autoritaire de la " pastorale de la peur " répond ainsi un pathos de la communion, trouvant son aboutissement dans ce sublime si souvent associé à la figure de " l'aigle de Meaux ". Surtout, tout en multipliant les postures d'autorité, Bossuet voit finalement sa propre image se dissoudre dans sa labilité même : il se donne dès lors pour le simple porte-parole d'une Voix (ou de multiples voix) qui le transcende(nt), dépossédé plus encore qu'inspiré, relais imparfait tendant en vain vers une pure transparence.
La véhémence de Bossuet et la puissance de son ton impérieux peuvent dès lors être comprises, non comme une mise en scène du je en majesté, mais comme une tentative d'imposer, dans un monde que l'unité et l'immuabilité ont déserté, la seule autorité possible : celle, foncièrement déficiente, de la médiation.