Alors que s'impose une représentation de plus en plus désenchantée des relations humaines - comme si elles ne relevaient plus désormais que de l'intérêt et de ses calculs cyniques, ou de la domination généralisée -, Nos généreuses réciprocités a pour ambition de valoriser leur côté lumineux, de donner toute sa place à notre désir de sociabilité, à notre appât du lien plutôt que du gain. En compagnie de sociologues, philosophes, poètes - et en premier lieu de l'anthropologue Marcel Mauss -, Philippe Chanial met en lumière les réciprocités généreuses sans lesquelles il n'y a pas de monde commun.
Et si la sociologie, bien comprise, n'était rien d'autre qu'une philosophie morale et politique avec des allures de science ? Une telle proposition, qui constitue la trame de cet ouvrage, autorise des perplexités bien légitimes. La sociologie n'a-t-elle pas en effet gagné ses galons en rompant avec les spéculations abstraites des « philosophies sociales » ? Et, à l'inverse, la philosophie morale et politique n'a-t-elle pas pris sa revanche en s'émancipant de ces sciences sociales qui avaient exercé sur elle une telle emprise depuis les années 1950 ? Pour autant, n'avons-nous d'autre choix qu'entre une sociologie spécialisée et éclatée, vouée au culte du « terrain », et une philosophie morale et politique désincarnée, célébrant les vertus d'une conception purement formelle de la justice et de la démocratie ?
Depuis quelques années, les théories contemporaines de la reconnaissance, du care et du don, le renouveau de l'École de Francfort et la redécouverte du pragmatisme, en redonnant toute leur place aux sentiments sociaux et à la relation humaine, ont fortement contribuéà redessiner les frontières et nous invitent aujourd'hui à une nouvelle alliance. Dans leur sillage, ce livre plaide pour un « enveloppement réciproque » (Merleau-Ponty) entre philosophie et sociologie, qui puisse redonner sa vitalitéà l'ambition d'une science sociale générale, réconciliant respect des faits et souci des fins. Il vient rappeler que la sociologie « ne mériterait pas une heure de peine » (Durkheim) si elle ne renouait pas avec l'orientation normative de ses pères fondateurs et s'interdisait de contribuer au questionnement de la société sur elle-même.
Et si la sociologie, bien comprise, n'était rien d'autre qu'une philosophie morale et politique avec des allures de science ? Une telle proposition, qui constitue la trame de cet ouvrage, autorise des perplexités bien légitimes. La sociologie n'a-t-elle pas en effet gagné ses galons en rompant avec les spéculations abstraites des « philosophies sociales » ? Et, à l'inverse, la philosophie morale et politique n'a-t-elle pas pris sa revanche en s'émancipant de ces sciences sociales qui avaient exercé sur elle une telle emprise depuis les années 1950 ? Pour autant, n'avons-nous d'autre choix qu'entre une sociologie spécialisée et éclatée, vouée au culte du « terrain », et une philosophie morale et politique désincarnée, célébrant les vertus d'une conception purement formelle de la justice et de la démocratie ?
Depuis quelques années, les théories contemporaines de la reconnaissance, du care et du don, le renouveau de l'École de Francfort et la redécouverte du pragmatisme, en redonnant toute leur place aux sentiments sociaux et à la relation humaine, ont fortement contribuéà redessiner les frontières et nous invitent aujourd'hui à une nouvelle alliance. Dans leur sillage, ce livre plaide pour un « enveloppement réciproque » (Merleau-Ponty) entre philosophie et sociologie, qui puisse redonner sa vitalitéà l'ambition d'une science sociale générale, réconciliant respect des faits et souci des fins. Il vient rappeler que la sociologie « ne mériterait pas une heure de peine » (Durkheim) si elle ne renouait pas avec l'orientation normative de ses pères fondateurs et s'interdisait de contribuer au questionnement de la société sur elle-même.
Et si la sociologie, bien comprise, n'était rien d'autre qu'une philosophie morale et politique avec des allures de science ? Une telle proposition, qui constitue la trame de cet ouvrage, autorise des perplexités bien légitimes. La sociologie n'a-t-elle pas en effet gagné ses galons en rompant avec les spéculations abstraites des « philosophies sociales » ? Et, à l'inverse, la philosophie morale et politique n'a-t-elle pas pris sa revanche en s'émancipant de ces sciences sociales qui avaient exercé sur elle une telle emprise depuis les années 1950 ? Pour autant, n'avons-nous d'autre choix qu'entre une sociologie spécialisée et éclatée, vouée au culte du « terrain », et une philosophie morale et politique désincarnée, célébrant les vertus d'une conception purement formelle de la justice et de la démocratie ?
Depuis quelques années, les théories contemporaines de la reconnaissance, du care et du don, le renouveau de l'École de Francfort et la redécouverte du pragmatisme, en redonnant toute leur place aux sentiments sociaux et à la relation humaine, ont fortement contribuéà redessiner les frontières et nous invitent aujourd'hui à une nouvelle alliance. Dans leur sillage, ce livre plaide pour un « enveloppement réciproque » (Merleau-Ponty) entre philosophie et sociologie, qui puisse redonner sa vitalitéà l'ambition d'une science sociale générale, réconciliant respect des faits et souci des fins. Il vient rappeler que la sociologie « ne mériterait pas une heure de peine » (Durkheim) si elle ne renouait pas avec l'orientation normative de ses pères fondateurs et s'interdisait de contribuer au questionnement de la société sur elle-même.
L'association, l'individu et la république.
Faut-il en finir avec le "vieux socialisme" ? La gauche n'a-t-elle d'autre horizon qu'une nouvelle synthèse, "libérale-sociale", seule capable de faire face à la menace "nationale-populiste" ? Certes, il ne fait guère de doute que le socialisme est totalement périmé si on le réduit à ses slogans traditionnels : plein développement des forces productives; collectivisation générale des moyens de production, direction planifiée du système économique ; abolition du salariat, etc. Mais est-ce là "la délicate essence du socialisme", tel que le défendaient notamment Saint-Simon, Fourier, Pierre Leroux puis Benoît Malon, Jean Jaurès, Marcel Mauss ou Eugène Fournière ?
Cet ouvrage se propose de réactualiser cette tradition politique aujourd'hui oubliée et sa sensibilité si singulière. De rappeler toute la force de sa critique morale du capitalisme, si nécessaire aujourd'hui, son refus de réduire l'homme à un animal économique et l'économie au marché. Mais aussi de réhabiliter, contre le seul matérialisme issu de Marx, un certain «idéalisme historique». Plus encore, ce livre invite à redécouvrir combien la fascination pour l'Etat est étrangère à son inspiration la plus profonde. Economie solidaire, démocratie participative, ces expériences contemporaines sont à l'évidence les héritières de ce socialisme de l'association, résolument pluraliste et expérimental, pour qui la République s'identifiait ultimement à l'"autogouvernement des citoyens associés".
Socialisme moral, socialisme associationniste, mais aussi socialisme individualiste. Car son idéal n'était pas "la pâtée servie à tous par la mère Collectivité", mais au contraire l'émancipation de l'individu par la coopération, la réciprocité et l'échange. D'où sa passion pour l'égalité qui ne saurait se limiter, comme aujourd'hui, à doter les individus d'armes et de chances égales dans la concurrence économique. Et son invitation à faire tout autrement.
Le don fait-il encore société ? Ou, du moins, contribue-t-il encore à certains de ses ressorts essentiels ? Est-il toujours actuel ? En apparence, non. Les sociétés anciennes se sont pensées dans le langage du don mais nous, modernes, parlons un tout autre idiome, celui de l'intérêt notamment. Peut-être nous arrive-t-il encore, dans l'intimité et dans nos relations personnelles, de donner, mais il semble bien illusoire, et surtout bien naïf, de considérer que le don serait toujours au coeur de nos sociétés contemporaines et qu'il contribuerait encore à nourrir liens, échanges et identités sociales. Faut-il alors, comme y invite la sociologie aujourd'hui, l'abandonner au folklore des anthropologues et aux spéculations des philosophes ?
Conçu comme un manuel de sociologie anti-utilitariste résolument empirique et appliquée, ce livre vise, au contraire de ces évidences partagées, à rappeler, à l'épreuve des terrains les plus variés, que le système du don - le « donner-recevoir-rendre » de M. Mauss - n'est aujourd'hui ni mort, ni moribond mais bel et bien vivant pour qui sait voir. Plus encore, il suggère que le don constitue, aujourd'hui comme hier, le système même des relations sociales en tant qu'elles sont irréductibles aux relations d'intérêt économique ou de pouvoir, aussi prégnantes soient-elles. La sociologie a donc tout à gagner à porter sur les phénomènes sociaux un regard neuf, à chausser d'autres lunettes que celles qui se bornent, un peu paresseusement, à démasquer, toujours et partout, l'intérêt et le pouvoir. Les lunettes du don.
Vus du don, les champs classiques de la sociologique prennent un tout autre relief. Qu'il s'agisse du monde du travail et des organisations, de la sociabilité, familiale, amicale, amoureuse, des questions de genre et d'identité, de la protection sociale et de la solidarité ; des associations ou de la philanthropie ; du champ de la médecine et de la santé ou encore de la religion, de l'art et de la science, chacune des contributions ici réunies, rédigées par des spécialistes reconnus dans ces différents domaines, démontre combien le paradigme du don ouvre la voie à une intelligence inédite des phénomènes sociaux. Invitant le sociologue à porter son regard sur ce qui circule entre les hommes (et pas uniquement sur ce qu'ils prennent et accumulent), il donne à voir cette délicate essence du social si chère à Marcel Mauss.
PEUT-ON penser et rendre effective l'exigence de la justice et de la démocratie en faisant l'hypothèse que nous sommes tous essentiellement des calculateurs impénitents, avant tout soucieux de leur seul intérêt personnel ? Oui, répond le libéralisme politique contemporain qui, de John Rawls à John Harsanyi ou David Gauthier, s'efforce de dessiner les traits d'une juste démocratie réduite à des règles de coexistence pacifique entre ces sujets " mutuellement indifférents ", si caractéristiques de l'actuelle société de marché.
Non, objectent les " communautariens " et les républicains, qui en appellent à la nécessité d'une conception du bien commun partageable par tous, au risque de sembler vouloir ressusciter le fantôme de la société close d'antan. Tout en soumettant la théorie politique contemporaine à un examen aussi pédagogique qu'exigeant, Philippe Chanial montre comment nombre des débats actuels les plus cruciaux et des écueils sur lesquels ils achoppent, trouvent leur solution dans une tradition de pensée trop oubliée mais si près de renaître aujourd'hui : l'associationnisme civique qui a constitué l'une des matrices principales de la pensée politique et des sciences sociales du XIXe siècle et du premier tiers du XXe siècle (au moins en France et aux États-Unis).
Sous cet éclairage inédit, Tocqueville, Saint-Simon et Pierre Leroux, Jaurès, Durkheim ou John Dewey apparaissent unis par une commune intelligence de ce que Marcel Mauss appelait la " délicate essence " de la cité. Cet associationnisme civique, constellation assurément hétéroclite, vient nous rappeler qu'il existe une forme de bonheur dont la raison libérale et utilitaire est incapable de rendre compte, ce bonheur public que nous éprouvons dans l'engagement civique et associatif.
Ce livre qui marque sa redécouverte devrait parler en profondeur tant aux philosophes, aux politistes ou aux sociologues qu'aux militants associatifs.
Notre vie est tissée de récits. Parfois même d'histoires à dormir debout. Comment expliquer une telle omniprésence mais aussi le plaisir si vif que nous prenons tant à raconter qu'à écouter ou lire des histoires?? L'hypothèse de ce nouveau numéro du MAUSS est que la réponse à ces questions est à chercher dans les relations entre don et récits. Raconter, n'est-ce pas avant tout donner?? Le récit n'est-il pas fondamentalement généreux??
Ce sont ces générosités du récit que ce numéro propose d'interroger à travers la multiplicité de ses formes. Que donne-t-on en racontant des blagues?? En prononçant une oraison funèbre?? En livrant sa vie intime à un psychanalyste?? En relatant des faits (réels ou imaginaires), le récit relie un «?donataire?» et un «?bénéficiaire?», mais quelle est la nature des relations qui se nouent ainsi?? Et notamment entre auteur et lecteur. Car le récit de fiction est aussi offrande, don de vie, donnant à voir des événements, des êtres, mais aussi des possibles qui sans lui resteraient lettre morte. Et n'oublions pas le plaisir du récit, ce qui se donne, libéralement.
Cette dimension esthétique et créative, dont attestent ces multiples récits, n'est-elle pas d'ailleurs l'un des fondements du social, en cela qu'il désigne, plus que l'obligation ou la nécessité d'être ensemble, le plaisir partagé qu'on y éprouve ?
Avec les textes de Victor Rosenthal, David Le Breton, Henri Raynal, Lewis Hyde, Julie Anselmini et Claude Schopp, Nathalie Solomon, Pascal Durand, François Flahaut, Stéphane Corbin, Daniel Desormeaux, Florian Villain, François Bordes, Alain Caillé, Richard Bucaille.
Les textes en version @ : Anthony Glinoer et Michel Lacroix, Marcel Hénaff, Rebecca Colesworthy, Fabien Robertson, Pierre Michard, Philippe Chanial, Rudy Amand, Michaël Singleton.
Publié une première fois en 1994, retiré et actualisé en 2005 cet ouvrage reste plus actuel que jamais dans un monde dévasté par l'économisme.
Il montre en effet en quoi consiste l'utilitarisme, qui en est la matrice, et il indique comment penser de manière alternative en mettant en oeoeuvre le « paradigme du don », i.e. une pensée politique du don, à mille lieues de tout idéalisme.
S'il valait, nous dit l'auteur, la peine de rééditer le présent livre, épuisé depuis plusieurs années, c'est parce que les articles qu'il rassemble et notamment les trois textes principaux - la critique de Pierre Bourdieu, la relecture de la République de Platon et la réflexion sur le don, l'intérêt et le désintéressement (et sur Derrida.) - correspondent à des moments charnières dans la réflexion du Mauss." En tant qu'hommes et femmes modernes nous nous trouvons écartelés entre deux séries de certitudes et d'exigences parfaitement inconciliables. D'une part, notre époque nous pousse impérieusement à croire que rien n'échappe à la loi toute puissante de l'intérêt et qu'il nous faut nous-mêmes nous y plier en devenant des « calculateurs » avisés. D'autre part, nous aspirons tous à nous y soustraire pour accéder enfin à cette pleine générosité, à ce don pur et entier, que la tradition religieuse dont nous sommes issus nous enjoint de rechercher. Mais c'est là une tâche impossible, rétorque la première croyance pour qui rien n'échappe au calcul, si bien qu'il ne saurait exister de générosité et de don que mensongers.
Pour Alain Caillé, la question est mal posée. L'examen, à travers deux de ses plus grands représentants (Platon, P. Bourdieu), de ce qu'il appelle « l'axiomatique de l'intérêt » ; celui, à l'inverse, des caractérisations du don par une impossible et inaccessible pureté (J. Derrida), révèle la profonde solidarité qui unit les deux pôles de l'esprit moderne, et incite à chercher, dans le sillage du Marcel Mauss de l'Essai sur le don, une conception du don plus harmonieuse et raisonnable. Rien n'est sans doute en effet plus urgent si nous voulons penser notre temps, scientifiquement et moralement, à égale distance du cynisme et de l'idéalisme.