Les lettres d'un grand écrivain racontent une vie qui s'écrit en parallèle de son oeuvre. Celles d'Irène Némirovsky esquissent d'abord le portrait d'une jeune fille passionnée qui découvre l'ivresse des premiers flirts et la joie des études à la Sorbonne. Puis se dessine un portrait plus affirmé, celui d'une femme brillante, soucieuse et déterminée, qui deviendra la romancière accomplie du Bal et de David Golder. Ce sont ses échanges avec son «cher Maître», Gaston Chérau, avec ses éditeurs aussi, parmi les plus grands, Bernard Grasset, André Sabatier, Albin Michel, ou encore avec les auteurs de son temps - Henry Bernstein, Jacques-Émile Blanche, Henri de Régnier, Gabriel Marcel, Jacques Chardonne.Il y est question d'écriture, bien sûr, de livres, de cinéma, mais aussi des petits riens du quotidien. À partir de 1938, le ton se fait moins léger, jusqu'en juillet 1942 où la correspondance s'interrompt brusquement suite à l'arrestation tragique d'Irène Némirovsky. Ce sont alors les proches, amis, éditeurs, admirateurs qui prennent la plume, cherchant désespérément à la sauver et à faire vivre ses textes.
Essayiste, romancier, journaliste, philosophe, historien, mémorialiste... Emmanuel Berl (1892-1976) fut tout cela à la fois. Rien ne sera resté étranger à ce personnage singulier, cavalier seul en marge des grandes équipées de son temps.
Sa vie commence sous le regard de Bergson et de Proust, ses parents éloignés. Elle s'achève par une étroite complicité avec Patrick Modiano. Entre-temps, il aura couru l'aventure de son siècle aux côtés d'Aragon, Drieu, Breton, Malraux, Morand ou Camus, pour ne citer qu'eux.
Son nom évoque d'éclatants pamphlets, l'hebdomadaire Marianne qu'il dirigea de 1932 à 1936, son mariage, improbable et joyeux, avec la chanteuse Mireille ; mais aussi les messages du maréchal Pétain auxquels il prêta main-forte en juin 1940 : le spectre de Vichy hantera longtemps ce juif de bonne famille, homme de gauche proclamé, élevé dans un milieu dreyfusard et clemenciste.
Pacifiste et patriote, quiétiste et libertin, marxiste et anticommuniste, maurrassien et européiste, Berl n'a cessé de varier et de marier les contraires. Retracer sa vie, c'est suivre une ligne brisée qui traverse tout un siècle d'idées, de livres, d'amitiés.
À l'aide de témoignages nombreux et de documents rares, cette biographie dessine le portrait multiforme d'un écrivain farouche et séduisant, dont la vie, plus que toute autre, illustre ce qu'il en coûte de penser librement.