Le 21 novembre 2018, Pascal Quignard a fait don à la Bibliothèque nationale de France d'un ensemble unifié d'estampes, de peintures, de dessins, de manuscrits, de livres inédits, de partitions et d'imprimés. Laurence Engel a souhaité montrer un certain nombre de ces pièces dans une exposition qui aura lieu à la BnF du 7 avril au 7 juin 2020.
La première partie de cet ouvrage est le catalogue de cette exposition dont Olivier Wagner est le commissaire.
Dans une seconde partie, ce livre rassemble un essai de Mireille Calle-Gruber sur le don, la reproduction d'un livre inédit de Pascal Quignard, De taciturnis, avec des gravures de Pierre Frilay, et enfin une conférence de Pascal Quignard, intitulée Sur le geste perdu de l'abandon et accompagnée d'une vingtaine de reproductions, ainsi qu'un commentaire sur la Hersé de Poussin. Cette conférence sera prononcée le 6 avril 2020, à la Bibliothèque nationale de France, en ouverture de l'exposition.
- Cette toute première biographie consacrée à l'un des derniers prix Nobel de littérature française retrace l'itinéraire d'un écrivain qui en dépit des innombrables thèses qui lui ont été dédiées reste tout à la fois universellement admiré et curieusement méconnu. La haute exigence formelle de cette oeuvre trop souvent jugée ardue a longtemps occulté une évidence qui jalonne toute la production écrite de Claude Simon : son ancrage dans un vécu complexe qui la traverse de part en part et dont elle revisite et décompose livre après livre les ressorts les plus intimes. Issu d'un milieu bourgeois et conservateur, très vite orphelin de père puis de mère, Claude Simon s'est construit dans une relation conflictuelle à ses origines. Il y a l'enfance, bien sûr, récurrente dans son oeuvre, mais également d'autres moments marquants, comme son expérience de la captivité pendant la Seconde Guerre mondiale, dont il rendra compte dans La Route des Flandres. Le refus du roman traditionnel qui l'a trop vite classé dans la mouvance du " nouveau roman " apparaît en ce sens tout à la fois comme une ascèse et comme une tentative sans cesse renouvelée d'explorer les non-dits et les secrets les plus enfouis d'un passé douloureux. Tout le propos de cette biographie richement documentée, et écrite d'une plume alerte et sensible, est de nous démontrer combien la vie de Claude Simon est d'abord et avant tout l'histoire d'une émancipation, et son oeuvre un exorcisme permanent des fantômes de la mémoire.
Claude Simon, avant de devenir l'un des plus grands écrivains du XXe siècle, Prix Nobel de littérature, a été peintre-plasticien avec ferveur pendant plus de vingt-cinq ans, de 1932 à 1960, date de parution de La route des Flandres.
Peintures, dessins, photographie, assemblages, collages, tapisserie même, la production fut abondante, accompagnée de notes et carnets : l'ouvrage réunit ici pour la première fois une riche iconographie qui donne à voir des oeuvres dont on ignorait jusqu'à l'existence.
Faire oeuvre pour Claude Simon, c'est inventer des formes capables de conjuguer raison et émotion.
Cheminant avec le peintre durant les difficiles époques de sa jeunesse, on voit se profiler dans le geste artistique les grands romans à venir.
Claude Simon n'a jamais oublié qu'il venait de ces années-là : il écrit comme il aurait voulu peindre.
Claude Simon : être peintre est le second volet de la biographie de Claude Simon, Une vie à écrire (Seuil, 2011).
« Ce qui constitue le sol originaire, le pays natal de mon écriture est une vaste étendue de temps et terres où se déroule ma longue, ma double enfance. J'ai une enfance à deux mémoires. Géographie de ma mémoire généalogique : je me tiens au bord de l'Afrique du Nord. À sa plage. À ma gauche, c'est-à-dire à l'Ouest, ma famille paternelle [...]. Mon Est, ma droite, mon Nord : c'était le paysage de ma mère. C'est un arbre très haut avec de nombreuses branches... » H. C.
« De livre en livre, Hélène Cixous s'est construit tout un ensemble de registres et de clefs. Toute une gamme : à jouer, à monter et descendre. Gamme de possibles, gamme musicale. Do ré mi fa sol la si. C'est une échelle de Jacob, échelle de cordes vocales, toujours plus haut reprise, qui porte à l'ascension du ciel... » M.C-G
Contrairement à la démarche philosophique qui ambitionne d'éclairer l'obscur, la démarche du littéraire est de se rendre à l'obscur. Langue et littérature naissent du noir, comme la première figure humaine surgit de la nuit utérine et naît au jour.
Nyctalope est la littérature, et l'écriture un oeil écarquillé dans le noir, l'abscons, le désavoir, l'impropre.
Pascal Quignard, écrivain nyctalope, fait l'éloge de l'ombre dans la langue où logent silence, mutisme, prémonition, l'inaudible et l'inapparaissant, qui ne sont pas le contraire du Dit mais les mesures de son immensurabilité.
Pascal Quignard spécule dans le noir, invente un genre nouveau, il l'appelle « Performance de ténèbres ».
Comédien sauvage qu'aucun savoir-faire d'artiste ne protège, récitant qui ne « joue » pas, chaque soir il plonge dans la nuit.
Chaque soir le récitant tombe le masque, il meurt, il naît. Rêve musique sexualité pensée.
La Performance littéraire se tient au bord du monde dont elle produit des images, et contrairement à la caverne de Platon, les images de la grotte de Quignard sont profondément Ce sont ses Leçons de ténèbres.
En huit chapitres, Mireille Calle-Gruber propose un cheminement à travers l'oeuvre de Pascal Quignard à partir des créations scéniques qu'il a réalisées ces dernières années : le butô, le récit-récital, la performance avec oiseaux sauvages, la rive dans le noir. Et depuis les textes qui en sont issus : L'Origine de la danse, Performances de ténèbres, Requiem.
Où l'on s'aperçoit que la performance littéraire est l'éclosion, l'épanouissement naturel de ce que pressentaient déjà les premières oeuvres de l'écrivain, dans sa traduction de Lycophron (L'Obscur), ses Ecrits de l'éphémère, les Petits traités, Rhétorique spéculative.
La performance, c'est la scène éphémère, l'écriture sans condition, l'écrivain qui se « débiographise », le mystère des origines et des fins.
L'expériment d'un mourir sans mourir.
La ressource, absolue, de la littérature.
Ses leçons de ténèbres.
« Va à la nuit », enjoint Sénèque. Pascal Quignard suit l'injonction : il s'efforce de « ramener de la nuit une espèce de beauté qui éclairerait le monde ».
Ce livre apporte un éclairage tout à fait nouveau sur l'écriture d'Assia Djebar, écrivain majeur de la littérature francophone élue à l'Académie française en 2006, en publiant un texte inédit, manuscrit inachevé qui devait s'intituler « Les Larmes d'Augustin » et constituer un « Quatuor Algérien » avec les trois romans précédemment publiés: L'Amour, la fantasia, Ombre sultane, Vaste est la prison. Au centre du volume, il y a le tapuscrit des trois premiers chapitres du roman qui devait s'intituler Les Larmes d'Augustin. Et un mystère: celui de l'inachèvement de ce texte, écrit et projeté pendant vingt ans, dont il semble que l'architecture soit demeurée indécise.Publier un tel document, c'est instituer le manuscrit en archive, c'est-à-dire en assurer la transmission et l'héritage en le donnant aux lectures à venir.Faire lire un manuscrit inachevé, c'est s'obliger à en respecter l'inachèvement, c'est-à-dire l'accompagner d'une réflexion critique méthodologique. Par quoi il devient objet de recherche.
«Cela sentait comme une fleur, comme une jeune fille, comme peut sentir la chambre ou plutôt le tombeau, le sarcophage d'une toute jeune fille que l'on y aurait conservée intacte quoique prête à tomber en poussière au moindre souffle".
C'est ainsi que Claude Simon évoque sa tante paternelle, Artémise Simon dite "Tante Mie" dont il fait le personnage principal de L'Herbe, "Marie ,extraordinaire d'abnégation et de générosité", et dont l'histoire nourrit plusieurs de ses livres.
Le meilleur portrait de Tante Mie, Claude Simon sait que ce sont les carnets de compte de la vieille dame, qu'il a conservés, insérés dans ses textes, et versés à ses archives.
Les Carnets de Tante Mie, qui restituent les gestes de la vie minuscule jour après jour, donnent un éclairage puissant sur la création littéraire : le compte des dépenses et les comptes du temps, se révèlent être le seul "journal intime" possible pour la modestie d'Artémise.
Il faut lire minutieusement la minutie des Carnets de Tante Mie : ils forment la trame d'une existence;
Ils en sont le tombeau.
De l'informe à la forme à l'informe. Sourdant de la morphogenèse, les corps, les signes, les saillances, les émergences, les aubes, les crépuscules, les trous noirs. Splendeurs d'un instant.
La morphogenèse est sans programme.
Les hommes ignorent, même Dieu ignore, même les biologistes ignorent, même le lierre et la glycine ignorent ce qu'ils font en traçant, en dressant, en adressant des lignes sur les murs qu'ils envahissent.
Au sens strict en français « morphogenèse » désigne l'ensemble des transformations que connaît l'embryon pour acquérir sa forme humaine.
Il y a au fond de chaque oeuvre une poche exubérante où la morphose lance ses formes.
Ce livre à l'iconographie abondante, accompagne l'exposition du Musée d'Art Moderne de Collioure et présente pour la première fois les assemblages de papiers découpés sur paravents ainsi que les collages qui furent exécutés dans les années cinquante par l'écrivain Claude Simon. La découverte est triple. Des éléments biographiques éclairent d'un jour nouveau l'époque (1932-1942) où Claude Simon, artiste-peintre installé à Collioure, connaît les vicissitudes de la guerre d'Espagne, de la seconde guerre mondiale et de la Résistance. Sa pratique de l'image, qu'elle soit photographie de graffitis et de bois flottés, ou des découpes-montages de couleurs et de formes, fait apparaître les processus d'une poétique de la composition sérielle. On assiste à la naissance d'un écrivain dont l'oeuvre littéraire exceptionnelle, nourrie de l'ampleur du travail sur l'image et reconnue dès la publication de La Route des Flandres (1960), reçoit en 1985 la consécration du Prix Nobel de Littérature.
Il pleut sur Venise. Sandra aperçoit Giacomo qui traverse le campo de Santa Maria Formosa. Il ne l'a pas vue. Elle le suit à son insu. La silhouette du jeune homme a des similitudes avec les jeunes chorèges de Carpaccio. La nuit descend sur une ville féérique. Jeux d'ombres, demi-teintes, mystère des lieux et des personnes. Tout devient personnages.
Le roman-scénario fait appel aux puissances du cinéma qui est l'art de faire venir les fantômes. Fantômes d'une époque où la Cité la plus orientale d'Occident rêve l'harmonie impossible et se leurre de Beauté.
Tombeau d'Akhnaton entrelace en douze scansions, telles les douze portes de la nuit dans le Livre des Morts de l'ancienne Egypte, un récit doublement archéologique : celui d'Akhnaton avec son épouse Nefertiti, le Pharaon hérétique et visionnaire, architecte de la Cité Solaire; et celui d'une généalogie de femmes de la vie ordinaire, en France, dans les événements du XXème siècle. Le roman construit un tombeau au Pharaon sans tombeau et aux mères-aïeules oubliées dans les albums de famille.
En préface : la lettre d'Assia Djebar qui projetait de tourner un film avec Tombeau d'Akhnaton. Et l'introduction de Mireille Calle-Gruber dédiée aux figures que réunit la même générosité : Akhnaton, Nefertiti, Maria et Aurélie, Shadi, Assia - une surabondance dans le coeur.
Le Dictionnaire sauvage Pascal Quignard, ponctué d'affiches ou encore de dessins que l'écrivain effectue cependant qu'il écrit un livre et qui constituent une véritable archive de l'écriture, est l'oeuvre d'un collectif de chercheurs et d'universitaires du monde entier. Près de trois cents entrées, répertoriées par ordre alphabétique et complétées d'une bibliographie exhaustive, offrent des clés de lecture et ouvrent de multiples parcours croisant divers domaines (lettres et arts, sciences, philosophie, langues et cultures antiques et contemporaines, anthropologie) qui sont autant de lieux, pour Pascal Quignard, d'une recherche insatiable de l'âme.
Pascal Quignard participe lui-même à cette élaboration sous la forme d'un dialogue avec Mireille Calle-Gruber. Dès l'A, il explicite son rapport au savoir, à la bibliothèque qu'emblématise l'exercice du dictionnaire ; le qualificatif de « sauvage » préservant quant à lui la part indomptable de la connaissance et en particulier de la cosmogonie de son oeuvre.
Ce Dictionnaire, guide à plusieurs voix, dessine une cartographie de l'oeuvre. Volume de ressources et de références incontournable, il est le meilleur garant d'une approche capable de faire prendre toute la mesure de l'interrogation originaire qui se joue au secret de l'écriture de Pascal Quignard.
Les Tryptiques de Claude Simon présentent une marqueterie de documents pour la plupart inédits : scenarii, découpage technique, correspondance, textes, manuscrits, plans de montage, entretiens, critique littéraire, films, photographies.
S'ouvrent ainsi, entre littérature, cinéma et peinture, de nouveaux sentiers de lecture par où aborder la création polytechnique et la singulière puissance de l'oeuvre de Claude Simon.
DVD Triptyque avec Claude Simon (film de Georg Bense, Peter Brugger et Claude Simon) Apostrophes - Claude Simon et Pierre Boulez (présenté par Bernard Pivot)
« Et si le mot était ``consolation'' : la recherche d'une forme où consoler l'inconsolable. » Une voix explore ce qu'elle ne connaît pas, tente de nommer ce qu'elle ne peut connaître que de biais, par des bribes, traces, inscriptions et fragments - récits ou peintures - qu'ont laissés d'autres vivants. Qui cherche-t-elle ? Un homme venu d'Europe orientale, fuyant les pogroms, parlant une langue qu'elle ne comprend pas. Elle ne peut se le représenter que par des reflets, des échos, mendier dans les récits d'autrui une histoire possible : « ... le peintre du nord, arrêté durant la nuit du 20 juin 1944 dans la cité des Flandres, déporté avec le dernier convoi... » ou « ... l'écrivain du sud dont l'oeuvre jeune a débuté juste avant la déclaration de guerre... échappé au convoi, passé à la clandestinité... » La voix des morts, dit-elle, dans ce livre-abîme, ne vit pour nous qu'entre tableaux et romans. Récit, quête de soi, plongée en apnée dans le langage. Célébration de la création - seule consolation à l'existence. Livre magnifique où prose et poésie s'enchâssent pour atteindre l'impossible récit.
Les textes de ce volume s'attachent au rapport de la philosophie avec la littérature et les arts, au travail de la langue et des langues, ainsi qu'à la lecture de certaines grandes oeuvres littéraires proposées par Derrida, en particulier celles de Ponge, Leiris, Genet, Jabès, ou plastiques : Valerio Adami, Simon Hantaï. La philosophie est ainsi conduite à reconsidérer la démarche autobiographique, les liens au judaïsme, la problématique du genre et des différences sexuelles, la question du nom ; autant de lieux où se rejoue sans fin l'exercice de la déconstruction.
La " distance généreuse " c'est l'espace entre la pensée et l'écriture qui offre au mouvement de la pensée des ressources inépuisables et à la langue, des voies nouvelles.
Une lecture de différents textes de Jacques Derrida : L'Écriture et la différence, Glas, La Carte postale, Mémoires d'aveugle, La Vérité en peinture, Un ver à soie, Circonfession.
L'auteur qui a connu Jacques Derrida, s'interroge ici sur la relation entre littérature et philosophie dans l'autobiographie et dans la problématique du genre et des différences sexuelles à l'oeuvre dans la pensée derridienne.
Bâillonnée, voilée, ensevelie, veuve, coupée, étranglée : la voix de l'écrivain Assia Djebar voue le texte littéraire à une double révélation.
Révélation de l'espace féminin tramé de secret, séparé, murmures entre les murs. Révélation aussi d'Algérie à plus d'une langue ou, comme elle décrit : " des Algéries ".
L'oeuvre, retraversée ici dans son ampleur pour la première fois, n'a cessé de faire de la littérature le lieu de tous les combats : pour une mémoire algérienne occultée par l'histoire militaire française ; pour la liberté des femmes dans l'Islam ; contre la violence et pour une Algérie des différences et des pluralités culturelles.
Ainsi à l'écoute du tissu narratif habité par l'autobiographie, ou à la poétique est indissociable du politique, la lecture des ouvrages d'Assia Djebar explore la voie frayée à l'avenir en des projets immémoriaux, et comment l'oeuvre d'art donne ce qui est legs de femmes une grammaire singulière.
Berbérophone par sa mère, arabophone par son père, écrivant dans la langue française qui fut langue d'oppression pour les pays du Maghreb, pour elle langue d'émancipation pendant les années d'études en Algérie puis en France, Assia Djebar est un écrivain affronté à tous les partages, les passages.
Assia Djebar ou la Résistance de l'écriture présente en outre de nombreux documents inédits : scénario, photogrammes de films, photos de mise en scène d'un opéra, tirages de l'album personnel, correspondance privée, autant d'éléments qui témoignent d'un regard sans précédent sur la création et sur le monde.
L'oeuvre d'Assia Djebar a reçu le prestigieux Neustadt Internetional Prize for Literature (1996), ainsi que le prix de la paix 2000 qui est, en Allemagne, la plus haute distinction pour un engagement politique et éthique de la pensée.