En 1978, Alain Robbe-Grillet disait vouloir éditer un jour le « livret » de tous ses films, dans le prolongement des ciné-romans déjà publiés aux Éditions de Minuit, L'Année dernière à Marienbad (1961), L'Immortelle (1963) et Glissements progressifs du plaisir (1974). C'est le sens de ce volume qui présente les principaux textes, pour la plupart inédits, ayant préparé et accompagné la réalisation de Trans-Europ-Express (1966), L'Homme qui ment (1968), L'Éden et après (1970), N a pris les dés (1971), Le jeu avec le feu (1975) et La Belle Captive (1983) : projets, synopsis, continuités dialoguées, cahiers de tournage, etc., tirés des archives d'Alain Robbe-Grillet déposées à l'IMEC.
D'une écriture concise et efficace, ces textes, destinés d'abord aux techniciens, acteurs ou producteurs, proposent « le déroulement imaginaire [...] d'un film qui n'existe pas encore, qui demande à devenir de la matière cinématographique avec son squelette, une chair vivante, des forces motrices, une production d'énergie » (Alain Robbe-Grillet, Le Voyageur, Christian Bourgois, 2001).
Ces Scénarios en rose et noir - en référence à deux composantes « inséparables du cinéma » pour Alain Robbe-Grillet: l'attrait sensuel pour les « filles-fleurs de nos rêves » et l'intérêt pour « les stéréotypes des genres érotique et fantastico-policier » -, constituent une somme sur son oeuvre cinématographique en même temps qu'ils livrent une leçon de cinéma.
Le présent récit est une sorte de conte de fées pour adultes, ce qui lui permet d'outrepasser en maintes occasions les lois de la vraisemblance.
Il est écrit cependant avec un grand souci de précision, qui peut ressembler au réalisme le plus méticuleux, outrepassant cette fois les lois de la bienséance.
C'est d'autre chose qu'il s'agit, délibérément. Une autre bienséance et une autre vraisemblance...
Malgré les tendres couleurs des chairs nues adolescentes, les contes de fées pour adultes n'ont pas leur place dans la Bibliothèque rose.
A. R.-G.
A l´été 51, Alain Robbe-Grillet rencontre Catherine Rstakian. Très amoureux, jaloux, parfois de mauvaise foi, il lui adresse des déclarations enflammées, tandis que sa compagne tout aussi passionnée tente les premières années de récupérer les lettres qu´elle lui envoie. Car les amants doivent se cacher de l'entourage de Catherine, et usent de subterfuges pour se retrouver dans des cafés ou des hôtels. Ils ne se marieront qu´en octobre 1957, mais ne cesseront jamais de s´écrire. Cette correspondance amoureuse, qui dévoile un Alain Robbe-Grillet très sentimental, regorge d´informations sur son activité littéraire, la publication de ses textes et leur réception dans la presse. Il y est aussi question forcément du Nouveau Roman, de ses relations houleuses avec Butor ou Sarraute, de ses « poulains » Claude Ollier et Claude Simon, de son éditeur Jérôme Lindon. Entré comme lecteur chez Minuit en 1955, l´écrivain devient rapidement le conseiller littéraire de Lindon, et participera notamment à la création du Prix Médicis. Quant à Catherine Robbe-Grillet, comédienne de théâtre à ses débuts, elle se révèle cinéphile, amateur d´opéra et de théâtre. Lectrice boulimique, elle soutient avec ferveur les travaux de son compagnon, lui signalant tout ce qu´elle lit et entend sur lui. Les années passant, elle évoque avec liberté les personnes qu´elle fréquente ou séduit, et va prendre son envol sous le nom de plume de Jean de Berg. Ce volume extrêmement vivant retrace une époque pittoresque où l´on croise artistes, écrivains, cinéastes, traducteurs, universitaires, jolies créatures, et met en scène un couple attachant, authentique et plein d´humour. Ouvrage publié avec le concours du Centre National du Livre et la Fondation La Poste